Alain jouffroy, mouvements surréalistes et ostinato lyrique : un demi-siècle de poésie vécue (1958-2007)

2016 
Alain Jouffroy (1928-2015) vient a l’ecriture poetique en 1948, encourage par sa rencontre avec Andre Breton et sa breve appartenance au mouvement surrealiste. Rapidement exclu, il conserve de cette experience une mefiance a l’egard de tout esprit de chapelle et une confiance inebranlable en la langue et en sa capacite a exprimer les innombrables modalites d’etre-au-monde de l’individu libre. Il diversifie rapidement ses pratiques d’ecriture et publie recueils de poemes, romans, essais et de nombreux articles sur les artistes avant-gardistes. Touche-a-touche, Jouffroy traverse les periodes esthetique et politique du milieu intellectuel parisien des annees cinquante aux annees quatre-vingt-dix. Fondateur de la revue Opus international, directeur de la revue XXe siecle, il est un observateur insatiable des remous de la societe francaise : restructuration a la Liberation, espoirs revolutionnaires decus de Mai 68, marchandisation galopante de la creation. Temoin de l’irresistible ascension de la societe du spectacle, il defend des artistes qui peinent a trouver leur place – du moins au debut de leur carriere : les Affichistes, les Objecteurs, les Nouveaux realistes... – et les poetes restes dans l’ombre – Stanislas Rodanski, Jean-Pierre Duprey. Il s’interesse a tous ceux qui, comme lui, ont fait de la marge leur territoire. Dans le meme temps, il echange avec les grandes figures d’Aragon, Michaux et Sollers. Son regard s’aiguise de sa curiosite pour l’ailleurs et de ses nombreux voyages. Il promeut les peintres surrealistes d’Amerique du Sud et d’Europe de l’Est, les poetes de la Beat generation, ceux du Moyen-Orient. Parallelement, au gre de ses ruptures et reconciliations avec Andre Breton, il se veut l’heritier de ce dernier et le promoteur d’un surrealisme toujours vivace parce que concu comme une ethique de la receptivite. Conseiller culturel de l’ambassade de France a Tokyo entre 1982 et 1985, il parfait sa connaissance du bouddhisme zen et fait l’experience d’un douloureux deracinement langagier. De retour en France, dans une periode de morosite ambiante ou les medias clament la mort de la poesie, il realise de petites sculptures d’objets trouves qu’il nomme assemblages, collages ou posages – reponse possible au silence qui entoure son œuvre, mal diffusee jusqu’a la parution des anthologies C’est aujourd’hui toujours, C’est partout ici et du recueil Vies, chez Gallimard, a la fin de annees quatre-vingt-dix.Son œuvre poetique, loin d’etre un lieu de retrait par rapport a une vie culturelle, amicale et sentimentale particulierement riche et mouvementee, condense son parcours : la vingtaine de recueils publies entre 1958 et 2007 offre une chambre d’echo a cette traversee du demi-siecle, tout en declinant les differentes postures et poetiques nees au gres des circonstances et des confrontations renouvelees entre deux complexites, celle de l’individu Alain Jouffroy, et celle du monde. Aussi son ecriture poetique chatoie-t-elle des differents courants qui naissent de la question toujours en suspens du rapport entre la conscience ecrivante et le texte ecrit. L’ensemble de l’œuvre donne a lire une poesie polymorphe : pregnance premiere de l’image heritee du surrealisme, retour au lyrisme amoureux sous l’influence du materiau biographique, vociferation a la maniere des ecorches Beat, detour par l’image cinematographique durant la Nouvelle Vague, evaporation temporaire du sujet somme de disparaitre sous l’ere structuraliste, retour de ce meme sujet qui reste, constamment, l’objet du poeme. Malgre les variations formelles, les contradictions tonitruantes, le « je » demeure le mobile de l’ecriture. ...
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