Les leçons du programme de lutte contre les vecteurs du paludisme par aspersions intradomiciliaires de DDT ou de dieldrine dans la zone pilote de Bobo-Dioulasso : échec ou succès ?

2021 
Pendant cinq ans, a partir de 1953, un grand programme d'aspersions parietales intradomiciliaires s'est deroule dans la zone pilote de Bobo-Dioulasso avec du DDT ou de la dieldrine (DLN) avec une evaluation conceptuellement entomologique et parasitologique [18]. Par rapport a la zone temoin, le DDT a induit une reduction d'environ 95 % et 67 % du taux de piqures d'Anopheles gambiae, respectivement a l'interieur et a l'exterieur des maisons. Mais du fait de son action irritante, le DDT a augmente de cinq fois le coefficient d'exophagie de ce vecteur. La DLN n'a eu aucun impact sur le taux de piqures d'An. gambiae aussi bien a l'interieur qu'a l'exterieur, vu la resistance de l'espece anophelienne a cet insecticide. L'indice sporozoitique d'An. gambiae a ete reduit de 96 % dans les zones traitees au DDT et de 70 % dans le secteur traite a la DLN. Le DDT a reduit de 98 % et de 91 % le taux de piqures d'Anopheles funestus, respectivement dans les maisons traitees et a l'exterieur. Avec la DLN, ces reductions ont ete respectivement de 98 % et 97 %. L'indice sporozoitique d'An. funestus a ete reduit de 95 % dans les zones traitees au DDT. La lutte antivectorielle a permis de reduire la transmission due a An. gambiae et An. funestus de quelques 99,8 % dans les villages traites au DDT par rapport aux villages temoins. La DLN a permis de reduire de 99,9 % la transmission due a An. funestus, mais quasiment pas celle due a An. gambiae. La lutte antivectorielle basee sur les aspersions intradomiciliaires de DDT ou de DLN a permis de reduire de 99,9 % la transmission des Plasmodium humains assuree par les deux vecteurs majeurs, An. gambiae et An. funestus dans les villages de la zone pilote. Chez les enfants de 2-9 ans l'indice splenique a ete de 84,3 % (n= 979) en zone temoin et 44,4 % (n=8920) en zones traitees (difference : -47,3 %), la prevalence plasmodiale a ete de 60,6 % (n=946) en zone temoin et 38,0 % (n=7242) en zones traitees (difference : – 37 %) mais les indices gametocytiques sont restes aux memes niveaux (3,28 %, n = 946 en zone temoin et 3,04 %, n = 7242 en zones traitees) indiquant le maintien du "reservoir de virus" et des possibilites de transmission. Par rapport a la zone temoin, "l'indice de contamination nouvelle" a ete significativement moindre chez les nourrissons de 0-3 mois et de 4 a 6 mois dans les villages traites au DDT mais pas chez les nourrissons 7 a 12 mois demontrant que la lutte antivectorielle avait eu une certaine efficacite dans la prevention de l'infection plasmodiale mais "tous les nouveau-nes etaient infectes dans l'annee", donc la transmission de P. falciparum n'avait pas ete completement stoppee. Les aspersions intradomiciliaires avec le DDT ont ete d'une grande efficacite dans la reduction de la transmission mais les vecteurs sont restes presents et la transmission, meme fortement reduite, s'est maintenue de sorte que dans l'optique de l'eradication, le programme avait ete considere comme un "semi–echec" avec la decision d'adopter un changement complet de strategie de lutte contre le paludisme et de se centrer sur la chimiotherapie de masse plutot que sur la lutte antivectorielle. Ces operations de lutte antivectorielle d'aspersions parietales de DDT peuvent etre considerees comme un succes entomologique, avec ses limites indiquees par le maintien d'un certain niveau de transmission et des indices spleniques et plasmodiques ainsi que d'une incidence observee chez les nourrissons. Cinquante ans apres, en l'absence de vaccins, cette recommandation de lutte integree et coordonnee contre les vecteurs et les Plasmodium est toujours d'actualite en beneficiant, entre autres, des moustiquaires impregnees et des traitements a base d'artemisine.
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