Journal : journal, notes et brouillons
2005
16 et 17 octobre [1901] Ces deux jours rien fait, en tout cas rien fait de bon. Tracas materiels, courses, visites, des projets, des soucis de menage ou presque, en tout cas des soucis d'argent. Le doute de soimeme revient aussitot avec l'oisivete ou des preoccupations directement interessees et pratiques encore qu'obligatoires. Je me rejouis ou que ce soit d'etre installe, meme avec mon travail journalier et absorbant; sitot rentre dans ma chambre je redeviens moi-meme, je noue le present au passe, les ambitions un instant ecartees reparaissent, je retrouve le centre de mon activite. Maintenant le futur encore indistinct inquiete mon present[,] m'empeche de m'absorber dans mon travail quand je parviens a m'y mettre[,] et cette mouche importune qu'il faut sans cesse chasser de la main et qui recommence toujours son bourdonnement interdit a mon attention de se fixer nulle part. D'ailleurs la grippe me tient, maux de tete et d'estomac et je ressemble de longues heures a ces vieux qui n'ont autre chose a faire en ce monde que de se chauffer pres du poele. Depuis l'âge de dix-sept ans et jusqu'a quelques mois avant sa mort, C. F. Ramuz (1878-1947) a tenu un journal. L'ecrivain y devoile ses doutes, y affirme ses choix, y consigne ses innombrables campagnes d'ecriture, y revient sur les demarches necessaires a la realisation de ses projets. Publiees pour la premiere fois dans leur integralite, ces pages sont a la fois un document unique et un temoignage saisissant sur le parcours d'un homme inquiet, pour qui l'art et l'expression sont les seules voies de salut.
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