La polemique religieuse et son echo dans les Lettres de Madame Palatine (1672- 1722)

y^harlotte-Elisabeth de Baviere, nee en 1652, epouse en 1671 le frere de Louis XIV, fr apres s'etre convertie au catholicisme. Fille de l'electeur palatin Charles-Louis, 'r sacrifiee sur l'autel de la politique et des interets dynastiques, elle quitte l'Allemagne a l'âge de dix-neuf ans, la mort dans l'âme. En depit de la naissance de trois enfants1, le mariage n'est pas heureux. Aussi, pour distraire sa nostalgie et combler un indeniable manque affectif, Madame entretient-elle une correspondance volumineuse, en particulier avec sa tante Sophie de Hanovre, pres de laquelle elle a passe les plus belles annees de sa jeunesse. Les lettres qu'elle envoie, et qui symbolisent la solidite d'un lien jamais rompu, s'elevent a plus de quatre mille en cinquante ans. Redigees pour l'essentiel dans un allemand familier, elles comptent dix, vingt ou trente pages et sont ecrites sur un tres grand papier de Hollande a tranche doree. Incroyablement riches, vivantes et pittoresques, quelquefois violentes, souvent belliqueuses, elles constituent un document de premier ordre sur la princesse et sur le genre epistolaire au feminin2, et representent un temoignage irremplacable sur la Cour de France et sur la vie mondaine de la seconde moitie du XVIIe siecle. Apres avoir mis en relief le caractere polemique du recueil, on examinera l'importance prise par la topique religieuse pour s'interroger sur les effets de sens qu'elle y vehicule en sourdine. Ce faisant, on eclairera un aspect neglige de l'affrontement litteraire, philosophique ou spirituel : sa necessite pour ainsi dire « intime » ou, si l'on prefere, anthropologique.