Le dolmen du Villard au Lauzet-Ubaye (Alpes-de-Haute-Provence) et le contexte funéraire au Néolithique dans les Alpes méridionales. Réflexions sur le mobilier et les pratiques funéraires au Campaniforme en Provence

2020 
Le dolmen du Villard a ete signale pour la premiere fois en 1894 et classe au titre des Monuments Historiques en 1900. Il se situe au confluent de la Durance et de l’Ubaye a 25 km au sud-est de Gap. Etabli a 1267 metres d’altitude au-dessus de la retenue de Serre-Poncon sur le bord d’un petit plateau en pente vers la vallee de l’Ubaye. Il est domine au nord-est par le massif du Morgon. Ce monument funeraire comporte une chambre prolongee a l’ouest par un couloir et la partie restante d’un tumulus de blocs et de pierres. La partie centrale du monument se compose principalement d’elements megalithiques. La chambre comporte six orthostates et une dalle de couverture. Six dalles alignees et disposees trois par trois en vis a vis forment le couloir. Le Villard faisait partie a l’origine d’un petit groupe de 7 a 8 dolmens, aujourd’hui detruits, situes dans la region de Gap. Sa situation elevee et isolee a contribue a le preserver des destructions qu’ont subi les quelques autres monuments similaires au XIXe siecle. Plusieurs caracteristiques le distinguent des autres dolmens provencaux avec lesquels il partage cependant la meme orientation a l’ouest. En effet, a l’inverse de ces derniers dont le couloir est etroit, celui du Villard est de meme largeur que celle des parois de la chambre qui se composent chacune de deux dalles. De plus, ses orthostates n’ont pas la meme organisation consistant a un debordement du chevet et des piedroits sur les parois laterales comme c’est le cas pour les dolmens provencaux et, plus generalement, pour les architectures bas-rhodaniennes. Le contenu archeologique de la tombe, protege par la paroi nord affaissee a l’interieur et les sediments, est remarquablement bien conserve. Cette bonne conservation a favorise l’etude detaillee du fonctionnement de la sepulture et du traitement des depouilles deposees en espace vide et hermetiquement clos a l’origine. L’analyse des 2690 restes osseux et dentaires a permis d’etablir un nombre minimum de 25 individus soit 16 adultes et 9 immatures. L’etude de la repartition spatiale des ossements a pu mettre en evidence 10 ensembles composes de sujets presque complets et de connexions partielles. Les collages et les appariements ont montre que les deplacements d’os etaient globalement horizontaux et parfois de grande amplitude. Les deplacements verticaux concernent plus particulierement les petits elements osseux. Contre la dalle de chevet, un important groupement d’os, appartenant parfois aux memes individus, s’etageait sur la quasi totalite de la hauteur du remplissage. Sur ce groupement d’os, a ete observe un depot constitue de pierres, servant de support, au-dessus desquelles avaient ete disposes deux vertebres de bœuf en connexion. Enfin, la presence des fragments d’un crâne brule, repartis sur toute la surface de la chambre, demontre qu’il a ete brule a l’exterieur, aucune trace de feu n’y ayant ete observee. Les questions qui se posent a propos de ce crâne mais aussi en ce qui concerne le deficit de certaines petites pieces osseuses des mains et des pieds susceptibles de provenir d’apports de corps en partie disloques font ressortir les scenarios complexes inherents a la gestion des sepultures collectives. Le mobilier specifique de la culture campaniforme de la chambre et du tumulus comprend notamment quelques fragments de vases campaniformes, un brassard d’archer, un poignard en cuivre a languette et plusieurs segments de cercle en silex. Ce mobilier, le mode de fonctionnement de la tombe et les quelques exemples similaires de sepultures megalithiques exposees dans la deuxieme partie de cette etude autorise a envisager une construction du dolmen du Villard par les Campaniformes au cours de la deuxieme moitie du troisieme millenaire avant notre ere. D’autres facteurs, cependant, tel que celui attache a la date radiocarbone obtenue a partir d’un charbon de la couche brulee sous-jacente au tertre, laissent entrevoir la possibilite d’une construction du monument realisee anciennement au Campaniforme. L’analyse des pâtes de quatre fragments de vases campaniformes et d’un fragment de vase du Bronze moyen a montre que leurs elements constitutifs ont vraisemblablement ete preleves dans l’environnement proche du dolmen. L’analyse des traces relevees sur des pieces lithiques de la chambre et du tumulus a mis en evidence l’utilisation de ces outils a des fins de decoupes de matiere animale et vegetale. Quelques fragments d’un meme vase et des anneaux en bronze datant du Bronze moyen deposes dans la chambre ou provenant, plus vraisemblablement, d’un depot effectue dans le tumulus revele par les collages entre les fragments d’un vase situes dans la chambre et ceux provenant du tumulus ont ete decouverts a la partie superieure du remplissage. Dans le tumulus, a l’ouest et au sud, des vestiges osseux humains tres fragmentes et alteres, du mobilier campaniforme et du Bronze moyen et final ont egalement ete decouverts. Ils temoignent de l’utilisation du tertre a au moins trois periodes sans pour autant que l’on puisse preciser la destination de ces depots. Le bref expose de la recherche, encore assez peu developpee a l’heure actuelle, sur les contextes funeraires au Neolithique dans les Alpes meridionales fait ressortir l’importance des resultats obtenus grâce aux travaux effectues sur le dolmen du Villard. Quelques reflexions sur les modes collectifs et individuels d’inhumation a la fin du Neolithique final en Provence complete cette monographie. A travers l’etude du mobilier sepulcral specifique du Campaniforme ou de celui utilise aux epoques contemporaines ou proches, de la gestion des architectures traditionnelles reutilisees ou des nouvelles constructions funeraires, se dessine une evolution progressive vers un plus grand nombre de sepultures individuelles. Cette etude fait egalement apparaitre l’abandon, vraisemblablement, a la fin du Bronze ancien, vers 1700-1600 ans avant J.-C, de la sepulture collective pour le mode individuel d’inhumation.
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