Rapport "Pour une politique nutritionnelle de santé publique en France"

2000 
Jusqu’a une periode recente, les relations entre l’alimentation et la sante ont ete percues au travers des grandes maladies de carence nutritionnelle. L’evidence de cette relation reposait sur les grands tableaux cliniques qui accompagnaient les famines et les deficits alimentaires majeurs, ou les carences specifiques qui ont emaille l’histoire de l’humanite. Le manque de proteines etait responsable des formes cliniques evidentes du Kwashiorkor ; le manque d’energie de celles du marasme ; les carences en vitamine C du scorbut ; celles en vitamine B1, du beri-beri,… Au cours des dernieres decennies, en France comme dans l’ensemble des autres pays industrialises, une situation d’abondance s’est developpee (excepte pendant la duree des deux guerres mondiales), favorisant la disparition des grandes maladies de carence encore presentes en Europe et en Amerique du Nord au debut de ce siecle, et toujours largement repandues dans les pays en voie de developpement. C’est ainsi que les aspects les plus evidents de la relation entre l’alimentation et la sante se sont apparemment estompes dans les pays industrialises, alors qu’ils demeurent dramatiquement presents dans de nombreuses parties du monde. Les enjeux de sante publique qui resultent des relations entre nutrition et sante et auxquels doit faire face un pays comme la France, en cette fin du 20eme siecle sont d’une tout autre nature : l’inadaptation des apports alimentaires ne peut en regle generale etre consideree comme la cause directe des maladies qui y sont aujourd’hui les plus repandues, mais l’alimentation (et l’etat nutritionnel qui en resulte) participe de facon active au determinisme de ces affections. Le caractere multifactoriel de ces pathologies (cancers, maladies cardio-vasculaires, osteoporose, obesite,...), qui representent un poids considerable en termes de sante publique, est en effet parfaitement etabli aujourd’hui. Des facteurs physiologiques, genetiques et de nombreux facteurs d’environnement interviennent dans leur initiation, leur developpement ou leur expression clinique. Parmi les facteurs d’environnement, l’alimentation est aujourd’hui consideree comme jouant un role essentiel. S'il est difficile de mesurer precisement le poids relatif des facteurs alimentaires dans le determinisme des maladies, de nombreux arguments suggerent qu’il est important. Ainsi, dans le cas des cancers, une analyse realisee par Doll et Peto au debut des annees 80 suggerait que l'alimentation contribuait pour 30 a 40 % des cancers chez l’homme et pour 60 % des cancers chez la femme (Doll et Peto, 1981). Cette estimation peut certes etre discutee, mais ces chiffres permettent de prendre conscience de la place importante des facteurs alimentaires dans le determinisme des maladies chroniques. Ce point est d’autant plus essentiel que l’alimentation est un phenomene sur lequel les possibilites d'intervention existent en termes de sante publique et de prevention. Au cours des 30 dernieres annees se sont accumules, au niveau international, de tres nombreux travaux scientifiques de type mecanistique, clinique et epidemiologique qui ont permis d’identifier et de documenter un certain nombre de facteurs de risque et de protection lies a la nutrition intervenant dans le determinisme de diverses maladies chroniques qui constituent aujourd’hui des problemes majeurs de sante publique. L’ensemble de ces recherches a permis d’aboutir aujourd’hui a de veritables consensus internationaux sur l’implication de ces facteurs et sur la necessite, selon les cas, de chercher a les reduire ou de favoriser leur promotion. Ce rapport dresse tout d’abord un etat des lieux de la situation actuelle, en analysant notamment : les enjeux majeurs de sante publique que representent les maladies chroniques dans lesquelles sont impliques les facteurs nutritionnels ; les specificites des habitudes alimentaires et de l’etat nutritionnel de la population vivant en France ; les determinants de la consommation alimentaire (sans toutefois approfondir toutes les dimensions comportementales), les preuves scientifiques concernant les relations entre nutrition et sante. Puis sur la base de ce constat sont formulees des recommandations pour la mise en place d’une politique nutritionnelle de sante publique pour la France. Ce rapport se limite aux aspects nutritionnels et n’integre pas les aspects concernant la securite alimentaire, notamment les problemes microbiologiques et toxicologiques, qui se situent hors du champ de la saisine ministerielle.
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