Légalité pénale et droits fondamentaux

2008 
Originellement outil de lutte contre l’arbitraire judiciaire (arbitrium judicis), le principe de legalite des delits et des peines (nullum crimen, nulla poena sine lege) trouve aujourd’hui en differents juges de fervents defenseurs, ces derniers agissant au nom de la garantie des droits fondamentaux, par le truchement du controle de la qualite de la norme, son interpretation, son individualisation et le respect d’une procedure equitable. Portalis voulait « des lois precises et point de jurisprudence ». Mais, lorsque le legislateur fait fi de precision, multiplie les infractions ou elude la competence du juge penal en matiere punitive, seule l’intervention du juge et/ou l’application des principes de droit constitutionnel penal peuvent accomplir cette mission, paradigme moderne de l’Etat de droit. L’origine de ce controle revient aux organes institues par la Convention europeenne des droits de l’homme dont la preoccupation constante est l’effectivite des droits et libertes proteges. Indeniablement inspires, le Conseil constitutionnel et le juge ordinaire ont, a leur tour, exige certaines qualites de la norme penale. Neanmoins, l’attitude du juge, dont le risque principal serait que cette « nouvelle legalite » devienne un moyen pour lui de trop etendre ses competences en sanctionnant systematiquement la norme produite par le legislateur, est soupconnee de balayer par la meme la separation des pouvoirs, principe d’autant plus battu en breche depuis l’emergence des autorites administrative independante et d’une repression administrative (plus ancienne), succedane d’un droit « para-penal ». Les analyses du recul du principe de la legalite des delits et des peines sont devenues des poncifs (la complexite du droit ou la diversification de ses sources en sont les causes principales) dont l’Etat de droit ne pâtit aucunement dans la mesure ou la substance et la justification originelle du principe sont assurees pour autant. Si les influences liees a l’internationalisation et a la specialisation du droit ont eu raison du principe legaliste tel qu’il apparaissait a l’origine, c’est-a-dire avec la loi comme unique source du droit penal, le principe de legalite criminelle, loin d’etre rigide, temoigne d’une capacite d’adaptation (« resilience ») et d’integration du nouvel ordre juridique supranational, notamment par le biais du droit a un proces equitable, propice a un relatif effacement de la summa divisio. Celui-ci conduit, par exemple, le Conseil constitutionnel a materialiser les changements de la legalite par la creation de l’objectif a valeur constitutionnelle d’accessibilite et d’intelligibilite de la loi, ou par la consecration du principe de clarte de la loi, sorte d’ersatz de la legalite criminelle. Enfin, c’est par le biais de techniques classiques mises a sa disposition (individualisation des sanctions et interpretation de la norme) que le juge ordinaire parvient a instiller une dose « d’equite-correctrice », devenue necessaire face aux imperities eprouvees de la legalite formelle. En d’autres termes, de la meme maniere qu’une democratie ne s’exprime pas uniquement par le suffrage universel direct, l’accomplissement de l’Etat de droit se mesure davantage a l’aune de l’efficience de la garantie juridictionnelle des droits fondamentaux que du recours a une conception formelle surannee du principe de la legalite des delits et des peines.
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