Scorbut révélé par une péricardite hémorragique

2018 
Introduction Le scorbut est une maladie ancienne, definie par une carence en acide ascorbique. Depuis quelques annees de nombreuses observations resurgissent, plus particulierement dans les populations a risque. Les manifestations cliniques sont multiples : osteoarticulaires (arthralgie, myalgie), syndrome hemorragique (purpura petechial perifolliculaire, hematomes spontanes, hemarthrose), stomatologiques (gingivite hypertrophique et hemorragique, parodontolyse), cutanee (hyperkeratose folliculaire, defaut de cicatrisation, œdemes des membres inferieurs, atteinte des phaneres avec cheveux en tire-bouchon et alopecie). Au niveau cardiovasculaire : le scorbut a ete associe a un risque de coronaropathie, d’insuffisance cardiaque, et d’hypertension arterielle pulmonaire [1] . L’atteinte pericardite reste quant a elle rare [2] . Nous rapportons ici deux cas de scorbut, reveles par une atteinte pericardique. Observation Le premier cas est celui d’un patient de 40 ans alcoolotabagique, hospitalise pour une dyspnee rapidement progressive associee a des douleurs thoraciques faisant decouvrir radiologiquement une pleuropericardite de grande abondance (sans argument pour une neoplasie sous-jacente), ayant necessite un drainage pericardique et une ponction pleurale, ramenant dans les 2 cas un liquide sero hematique (hematies > 10000/mm 3 ) exsudatif sterile (culture BK negative). Cliniquement le patient presentait des stigmates de malnutritions (IMC = 18 kg/m 2 ), un dechaussement des dents et une hyperkeratose folliculaire. Biologiquement on notait une anemie hypochrome normocytaire a 12,1 g/dl, une hyperplaquettose a 904 G/l sans trouble de la coagulation, une denutrition biologique (albumine = 26,4 g/l et prealbumine = 0,09 g/l), une hypogammaglobulinemie relative a 7,7 g/l. Par ailleurs, les serologies virales et le bilan infectieux etaient non contributifs. Le dosage de la vitamine C a finalement confirme le diagnostic de scorbut motivant l’introduction d’une substitution vitaminique, permettant une disparition des epanchements pleuropericardiques et des manifestations cutanees a 1 mois. Le deuxieme patient âge de 47 ans a ete hospitalise a 2 reprises pour un epanchement pericardique refractaire au traitement habituel par acide acetylsalicylique et colchicine, necessitant un drainage evacuateur, ramenant egalement un liquide hemorragique sterile, sans cellule suspecte (culture BK negative). Le bilan etiologique comprenant les serologies virales et le bilan auto-immun (ACAN, ANCA) etait negatif. Le scanner corps entier a permis de reveler un epanchement pleural gauche de faible abondance, sans lesion suspecte par ailleurs. Cliniquement ce patient au profil « fast-fooder » presentait un surpoids (IMC = 31 kg/m 2 ), des lesions purpuriques perifolliculaires et une neuropathie sensitive mal systematisee de la jambe gauche. Biologiquement il existait une anemie a 10,8 g/l, une thrombocytose a 659G/l, une denutrition biologique, une carence vitaminique etendue (vitamine B12, B9 et C). Devant ce syndrome carentiel, une gastroscopie a ete realisee, n’objectivant pas d’argument pour une maladie de Biermer. Le patient a finalement ete traite par vitamine C seule pendant 15 jours, permettant un nette regression de l’epanchement pericardique, une disparition de l’epanchement pleural, et une normalisation des signes clinicobiologiques de scorbut (dont la neuropathie). Discussion Bien que rare, le scorbut est une pathologie probablement sous-estimee. Cette derniere doit etre recherchee devant tout syndrome hemorragique. En effet la physiopathologie de cette entite repose sur une anomalie de synthese du collagene et un defaut d’agregation plaquettaire [3] , illustres cliniquement par des lesions purpuriques et des ecchymoses spontanees. Mais les localisations pericardiques, bien que moins decrites, doivent egalement faire evoquer ce diagnostic. La demarche diagnostique dans nos 2 observations a ete aiguillee par les stigmates clinico biologiques de scorbut, chez des patients presentant des carences secondaires a des troubles alimentaires extremes. Dans les 2 cas, le diagnostic a ete confirme biologiquement ; et les signes cliniques, biologiques et echographiques ont disparus a 1 mois. Cela est concordant avec les donnees sur le scorbut qui affirment une amelioration en 15 jours sous supplementation. Conclusion Meme s’il s’agit d’une cause rare de scorbut, devant une pericardite serohematique de cause inexpliquee, il faut savoir rechercher une carence en vitamine C, notamment chez les patients presentant des regimes alimentaires extremes.
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