Intoxication morphinique pédiatrique, empoisonnement ou négligence ?

2021 
Objectifs Nous rapportons un cas d’intoxication grave a la morphine chez un nourrisson et discutons l’hypothese d’une prise d’une dose de 60 mg de morphine, correspondant a l’ingestion d’une gelule de Skenan® LP 60 mg, dans ce contexte. Methode Un enfant de 36 semaines est admis en urgence en reanimation dans un contexte d’episodes de malaises repetes ayant debute depuis environ 4 heures. Les pertes de conscience sont accompagnees de mouvements anormaux des membres superieurs, de revulsion oculaire, d’une cyanose et d’apnees. L’enfant ne presente pas de fievre, ni aucun autre symptome d’etiologie infectieuse. A l’admission, l’examen clinique retrouve un myosis areactif, une bradypnee et une hypertonie des 4 membres. Le nourrisson est somnolent entre ces episodes. Une dose de charge de phenobarbital est administree dans l’hypothese d’un etat de mal epileptique. Le scanner cerebral ne presente pas d’anomalie et l’electroencephalogramme montre un trace de sommeil sans grapho-element epileptique. Des depistages de routine par methode immunochimique et des criblages toxicologiques par LC-MS/MS sont realises sur des echantillons sanguins et urinaires preleves a l’admission. Les molecules identifiees sont ensuite quantifiees par des techniques dediees de LC-MS/MS a partir des prelevements sanguins initiaux. Resultats Les depistages seriques et urinaires sont negatifs, exceptes pour celui des opiaces. Les criblages toxicologiques seriques et urinaires detectent de la morphine ainsi que celle de son metabolite glucuroconjugue. La presence de morphine dans les echantillons est compatible avec le contexte clinique et confirme une intoxication d’origine encore indeterminee (volontaire ou par negligence) par la morphine. La morphine sous la forme galenique de Skenan® LP 60 mg etait prescrite chez la mere de l’enfant pour traiter des acces douloureux. Les dosages de morphine libre, dans des prelevements sanguins realises au moment de l’admission et 12 heures apres, montrent respectivement des concentrations a 58,4 ng/mL et a 20,6 ng/mL Dans un contexte therapeutique, les concentrations sanguines de morphine habituellement decrites sont comprises entre 10 et 120 ng/mL. Ces concentrations doivent toutefois etre interpretees en tenant compte notamment, de l’etat de tolerance du patient, de son âge et du delai ecoule depuis la derniere administration. Dans le cas present, l’enfant est naif et le delai entre la prise et le prelevement est estime a environ 8 heures. Dans le cadre d’une etude de pharmacocinetique menee chez des enfants atteints de cancer, des concentrations sanguines de morphine ont ete determinees a differents temps apres l’administration per os d’une dose unique therapeutique (1 mg/kg) de morphine [1] . Dans cette etude, les concentrations mesurees au pic (Cmax) et a 460 minutes (soit environ 7,7 heures) sont respectivement de 116,5 ng/mL et de 5,5 ng/mL. Dans notre cas, les concentrations mesurees approximativement 8 heures apres la prise sont bien superieures a celles decrites, meme en tenant compte de l’existence de variabilites interindividuelles inherentes a l’immaturite du metabolisme notamment. Conclusion Chez cet enfant, l’administration d’une dose therapeutique de morphine a 1 mg/kg correspondrait une posologie de 10 mg de morphine. Nos resultats sont en faveur de la prise ou de l’administration d’une dose supra-therapeutique de morphine qui pourrait correspondre a la prise d’une, ou plusieurs, gelules de Skenan® LP 60 mg. Cette prise aurait pu etre fatale en l’absence d’appel des secours.
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