L'atelier des Écores (1792-1830) : une entreprise artisanale

2010 
Notre projet de recherche concerne deux disciplines: l'histoire et l'histoire de l'art. Le sujet provient des arts anciens du Quebec et porte sur un groupe de maitres sculpteurs. L'organisation mise en place par ceux-ci et la question de l'artisanat constituent le coeur de notre demarche, la problematique decoule donc de l'histoire sociale et economique, plus specifiquement de l'histoire du travail au Bas-Canada. L'atelier des Ecores occupe une place unique en histoire de l'art ancien du Quebec, par le nombre de personnes impliquees et par l'ampleur de la production realisee. Au tournant du XIXe siecle, quatre maitres sculpteurs (Louis Quevillon, Joseph Pepin, Rene Beauvais dit Saint-James et Paul Rollin) etablis a Saint-Vincent- de-Paul de l'ile Jesus, ont forme au moins 53 apprentis en plus d'employer plusieurs compagnons sculpteurs et des menuisiers. Preuve de leur dynamisme, les maitres ont travaille dans 61 paroisses -49 de la region de Montreal, douze dans celle de Quebec -ainsi que pour trois communautes religieuses. Souvent les commandes sont importantes puisque dans bien des cas ils realisent le mobilier liturgique et le decor interieur de l'eglise. Fait marquant, en 1815, les initiateurs de l'atelier, Louis Quevillon et Joseph Pepin, s'associent avec deux de leurs anciens apprentis. De fait, l'atelier des Ecores a detenu le monopole de la decoration des eglises de la region montrealaise durant les trente premieres annees du XIXe siecle. Les maitres sculpteurs ont exploite au maximum les possibilites offertes par l'artisanat et developpe un fonctionnement efficace qui leur a permis d'avoir une main-d'oeuvre nombreuse et un niveau de production eleve. Tout indique qu'ils ont mis sur pied une forme d'organisation dont la structure de base s'apparente a celle qui definit une entreprise: gestion d'une production, d'une main-d'oeuvre, capacite a se bâtir une clientele et a financer ses projets. Notre these poursuit donc deux objectifs principaux: reconstituer l'historique de l'atelier des Ecores d'une part, pour ensuite analyser son fonctionnement afin de demontrer, d'autre part, comment l'organisation mise en place par les maitres possede les caracteristiques fondamentales d'une entreprise. Notre etude repose sur une recherche documentaire provenant principalement de 80 greffes de notaires repartis dans les regions administratives de Montreal, de Trois-Rivieres, de Quebec et du Bas-Saint-Laurent. Afin d'avoir le maximum d'informations possibles, nous avons aussi consulte les dossiers de paroisses de l'Inventaire des oeuvres d'art du Quebec qui renferment des transcriptions des livres de comptes et de deliberations, d'ou l'interet de ce fonds. Les elements recueillis ont ete verses dans une base de donnees afin de ne pas laisser echapper d'informations importantes et de pouvoir les mettre en relation. Depuis pres d'un siecle, les sculpteurs de l'atelier des Ecores ont retenu l'attention des historiens de l'art qui ont avance plusieurs hypotheses concernant leur fonctionnement. Des donnees presentees un peu pele-mele circulent, ce qui gene la comprehension de leur activite. La reconstitution historique s'imposait donc. Elle rend compte de la croissance et du declin de l'atelier. Ainsi, on observe qu'a partir de 1806, quand les sculpteurs maitrisent la finition de leurs oeuvres, plus rien ne freine leur progression. Des lors, on note une augmentation de la main-d'oeuvre et une forte croissance de la production. L'acte d'association des maitres en 1815 constitue le point culminant de leur activite. En fait, si nous transposions sur un graphique la courbe de croissance de l'atelier, nous aurions les annees 1792-1815 representees par une courbe ascendante, les annees 1815-1820 constituant le plateau et la periode 1820-1830 figuree par une courbe descendante. Les maitres controlaient les diverses etapes de la production, tant en atelier que durant les campagnes de sculpture. Meme avec un carnet de commandes bien rempli, ils repondent aux exigences des clients dans les delais impartis et menent plusieurs chantiers de front. Le caractere repetitif d'une partie de la production leur permet d'etablir des modeles, ce qui accelere le rendement. Rien n'indique toutefois qu'ils aient pratique une subdivision du travail, celui-ci etant reparti selon les competences de chacun. Une gestion solide des diverses etapes de la production semble etre a la base de la quantite impressionnante de commandes traitees. Une main-d'oeuvre nombreuse et competente a rendu possible ce fort volume de production. Les maitres ont su l'attirer par la possibilite d'apprendre un metier ou d'obtenir du travail. La formation des apprentis mene a la connaissance du metier, plusieurs carrieres de sculpteurs en font foi. A la fin de leur contrat d'apprentissage certains sont employes par les maitres qui embauchent aussi des menuisiers pour accomplir une partie des travaux. Les commandes ne manquent pas, car deux-tiers des paroisses de la region montrealaise etablies en 1830 ont fait affaire avec les sculpteurs de Saint-Vincent-de-Paul -souvent a plusieurs reprises preuve que ces derniers avaient la capacite de rejoindre la clientele et de la fideliser. Le fait qu'ils aient obtenu des commandes dans la region de Quebec demontre clairement leur aptitude a ouvrir de nouveaux marches. Au fil du temps, les maitres de l'atelier des Ecores sont devenus des notables a Saint-Vincent-de-Paul, une paroisse qui a beneficie de leur contribution. Il n'existe pas vraiment un autre groupe avec lequel on peut comparer ces sculpteurs, mais cette etude de cas est un exemple convaincant que l'artisanat a pu activement participer a l'economie bas-canadienne au tournant du XIXe siecle. ______________________________________________________________________________ MOTS-CLES DE L’AUTEUR : Artisanat, Entreprise, Travail, Sculpture, Bas-Canada.
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