L’immigration et l’accès à la citoyenneté de conjoints « étrangers » en France : Synthèse historique 1800-2018 et enjeux contemporains des politiques d’immigration en France

2020 
C’est au XIXe siecle que la France devient la destination europeenne de predilection pour de nombreux migrants. A partir de la fin du siecle, l’immigration est surtout ouvriere et repond a un besoin de main-d’œuvre. Tandis que la societe est touchee par la premiere grande crise economique mondiale a partir des annees 1880 et qu’elle connait de nombreuses transformations, l’immigration devient une thematique sujette au debat public et un enjeu electoral. Sont alors mises en place les premieres mesures juridiques relatives aux sejours des « etrangers » (terme generique longtemps utilise dans la politique et/ou la legislation francaise pour renvoyer aux non-ressortissants francais) en vue de conformer ces derniers a la « protection du marche du travail ». A partir de la Premiere Guerre mondiale, une politique de recrutement de main-d’œuvre coloniale et etrangere entre en vigueur et la politique d’identification des « etrangers » se voit consolidee afin de controler leurs deplacements et leurs positionnements sur le marche du travail. Les decennies qui suivent la guerre se caracterisent par une vague importante d’immigration venant satisfaire aux besoins de main-d’œuvre et par une politique fluctuante en raison du caractere instable de la situation economique et du contexte politique national et international. Des les annees 1920, l’immigration de famille est largement souhaitee pour pallier la baisse demographique francaise, mais aussi puisqu’elle est percue comme un element de stabilisation de la main-d’œuvre. L’immigration de femmes etrangeres repond egalement a des besoins en main-d’œuvre feminine dans certains secteurs. Les premieres procedures de regroupement familial sont mises en place au cours de cette periode. Pendant la crise des annees 1930, l’immigration se tarit et la legislation a l’egard des « etrangers » est durcie (conditions d’entree et de sejour, limitation de l’emploi de la main-d’œuvre etrangere sur le marche du travail). A partir de 1938, des decrets-lois renforcent les mesures repressives a l’egard des « etrangers » et des mesures d’internement se generalisent, dans un contexte ou des formes de xenophobie et d’antisemitisme sont manifestes et repandues. L’acquisition automatique de la nationalite par le mariage (pour les epouses) est remise en question et cette voie d’acquisition de la nationalite francaise se voit restreinte. Suite a la defaite de la France en 1940, le gouvernement de Vichy s’installe et adopte des mesures contre les naturalises (denaturalisations), les refugies (travail force) et les individus « regardes comme juifs » (terme juridique choisi). Au lendemain de la guerre, les ordonnances de 1945 fixent le nouveau droit de la nationalite et reglementent les droits d’entree et de sejour des travailleurs « etrangers » pour repondre au besoin de main-d’œuvre. Le principe de l’immigration familiale est confirme dans un decret (24 decembre 1945) et une procedure de « famille rejoignante » est instituee. Les restrictions de l’immigration familiale, lesquelles sont differentes selon le pays d’origine des immigrants, sont renforcees a partir des annees 1970. Le Code de la nationalite est quant a lui remanie en 1973, notamment en ce qui concerne l’acquisition de la nationalite par mariage. A partir du milieu des annees 1970, des mesures repressives sont adoptees envers les immigrants, ceux-ci etant accuses d’etre responsables de la crise economique. L’application de ces mesures est de courte duree : elle cesse d’etre effective des l’arrivee au pouvoir du candidat du parti socialiste, en 1981. A partir des annees 1980, les discours sur l’immigration s’ethnicisent, dans un contexte economique de plus en plus difficile. Les themes de l’extreme droite, laquelle rend les immigrants responsables des problemes de la France, circulent dans les discours de tous les courants politiques et des medias. Les gouvernements qui se succedent adoptent regulierement des politiques repressives envers les « etrangers en situation irreguliere ». Elles sont aussi restrictives quant aux conditions d’entree et d’accueil des « etrangers ». Le droit de la nationalite est aussi couramment modifie, surtout en ce qui concerne l’acquisition de la nationalite francaise par les enfants d’« etrangers » et les conjointes et conjoints de Francais. Les ordonnances de 1945 sont modifiees a maintes reprises ; puis, en mars 2005, entre en vigueur le Code de l’entree et du sejour des « etrangers » et des demandeurs d’asile (CESEDA), lequel regroupe toutes les dispositions legislatives et reglementaires relatives au droit des « etrangers ». Le theme des mariages de complaisance, qui etait deja present en filigrane dans les politiques migratoires familiales prealables, eclate et acquiert une nouvelle visibilite a partir du debut des annees 2000. Le mariage binational et sa gestion font alors l’objet de certains articles legislatifs, de circulaires et d’une loi en 2006, ainsi que de pratiques administratives de mise en œuvre controversees. L’attention legislative portee sur la famille migrante et binationale se transfere aussi aux couples de meme sexe, a la reconnaissance des enfants (par des conditions sur les droits qui decoulent de la paternite et de la maternite) et aux regroupements familiaux ayant soumis des demandes dans le cadre de l’asile ou de la protection internationale. Des 2015, l’afflux important des demandeurs d’asile vers l’Europe et les difficultes d’harmoniser concretement cette question a l’echelle europeenne detournent l’attention de la gestion ordinaire de la migration, et donc aussi de la migration familiale. Toutefois, les dispositions existantes, « l’infradroit » et les pratiques locales desormais ancrees dans les administrations de l’immigration continuent a gouverner de maniere restrictive l’acces a la nationalite via le droit a la vie familiale.
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