Gigantomastie : un lien étroit avec l’auto-immunité ?

2017 
Introduction La gigantomastie est une mastite inflammatoire benigne rare caracterisee par une hypertrophie mammaire diffuse, rapide et excessive. Elle survient le plus souvent a la puberte ou pendant la grossesse, mais est parfois d’origine iatrogene, auto-immune ou idiopathique. Observation Le cas rapporte est celui d’une jeune femme caucasienne de 34 ans qui etait suivie depuis 2010 pour un syndrome auto-immun biologique avec anticorps anti-nucleaires positifs (1/1280), anti-ADN natifs (35U/mL), anti-cardiolipides (IgG > 160, IgM = 32), diminution des fractions C3 (0,59) et C4 (0,08), decouverts sur un syndrome de Raynaud isole a capillaroscopie normale. Pour sa premiere grossesse (2015), la patiente etait mise sous antiagregants plaquettaires et hydroxychloroquine en prophylaxie. Le poids etait de 55 kg. A 15 semaines d’amenorrhees (SA), elle se plaignait d’une inflammation et augmentation genante de la taille de sa poitrine (tour de poitrine a 115 cm, fleche droite a 36 cm et gauche a 33 cm). L’echographie mammaire etait normale. La biopsie mammaire confirmait le diagnostic de gigantomastie gravidique. Il n’y avait ni dysthyroidie ni anticorps anti-TPO mais des anticorps anti-recepteurs a l’acetylcholine tres positifs (a 245, a electroneuromyogramme normal) et une hyperprolactinemie (difficile d’interpretation en per-partum) a IRM hypophysaire negative. Une corticotherapie a 15 mg/jour et du quinagolide etaient debutes (gigantomastie gravidique et dysimmunite). A 30 SA, le tour de poitrine etait de 173 cm (fleche gauche a 50 cm et droite a 52 cm). La patiente beneficiait d’une cesarienne prophylactique a 33SA (poids = 90 kg) pour une dyspnee aigue sur hyper-debit cardiaque (15 litres/minutes en echographie) multifactoriel (dont un « vol mammaire » sur sa gigantomastie). A trois mois de l’accouchement, les corticoides etaient arretes ; le bilan auto-immun etait toujours positif. La chirurgie mammaire etait initiee (mammectomie bilaterale avec preservation du mamelon, insertion d’une prothese mammaire, lipomatose avec changement de prothese, re-implantation du mammelon) ; aucune manifestation myasthenique n’etait note. Cependant, dix-huit mois apres l’accouchement et trois mois apres l’arret de l’hydroxychloroquine, la patiente decrivait l’apparition d’un ptosis a bascule (confirmation de myasthenie a l’electroneuromyogramme, sans thymome au TDM). Discussion La survenue d’une gigantomastie au cours de la grossesse est une maladie rare (une centaine de cas rapportes dans la litterature) qui survient habituellement chez les femmes caucasiennes et multipares. Cette maladie pourrait etre secondaire a une hypersensibilite des recepteurs hormonaux ou une maladie auto-immune sous-jacente declenchee par la grossesse. Quelques cas de gigantomastie ont ete decrits en association au lupus erythemateux dissemine, la myasthenie, la thyroidite d’Hashimoto, et la polyarthrite rhumatoide. Dans la revue de la litterature de Anne Jancey, 115 cas de gigantomastie ont ete rapportes (41 cas de gigantomastie gravidique dont seulement deux associees a une myasthenie, 57 cas de gigantomastie juvenile, 13 cas de formes idiopathiques et 4 induites par des medicaments) ; pour les formes idiopathiques, 3 etaient associees a une maladie auto-immune et 1 aura ete revelatrice d’un LES, suggerant la presence d’un terrain auto-immun sous-jacent. Touraine et son equipe ont decrit 8 cas de gigantomastie survenue chez des patientes presentant une maladie auto-immune. Les dosages hormonaux sont le plus souvent negatifs, l’echographie mammaire rassurante et la biopsie mammaire elimine d’eventuels diagnostics differentiels (tumeur phyllode, fibroadenome, lymphome non-hodgkinnien et lymphome lymphoblastique). La gigantomastie peut se compliquer de douleurs, d’ulcerations, de necrose, d’infections et d’hemorragie. S’il existe plusieurs alternatives therapeutiques, le traitement de choix reste la mastectomie bilaterale complete, en post partum, en diminuant significativement le risque de recidives. Les alternatives medicamenteuses (bromocriptine, tamoxifene, danazol et medroxyprogesterone/corticoides) apportent des reponses inconstantes et souvent temporaires. La bromocriptine semble cependant apporter les meilleurs resultats sur les symptomes de la gigantomastie. Conclusion Cette observation est donc originale a deux points de vue : par la survenue d’une gigantomastie gravidique sur terrain dysimmunitaire (re-insistant sur le lien possible entre maladies auto-immunes et gigantomastie) et par la survenue d’une myasthenie clinique au cours du suivi (plusieurs mois apres mise en evidence d’anticorps anti-recepteurs de l’acetylcholine positifs).
    • Correction
    • Source
    • Cite
    • Save
    • Machine Reading By IdeaReader
    0
    References
    1
    Citations
    NaN
    KQI
    []