Dieu en tracées créoles : Guyane - Antilles, 1985-2009, une ethnographie (études et travaux revisités et redéployés

2010 
Aboutissement de quelques 25 annees de recherche, de collectes et de travaux, cette these traite de la question de la perception et de la representation d’un Dieu dont les expressions sont, a tous niveaux, omnipresentes au sein des cultures creoles de la Guyane et des Antilles francaises profondement marquees par la traite, l’esclavage, la colonisation et le catholicisme hegemonique de cette epoque. La thematique en est d’autant paradoxale que « Dieu » ne peut pas etre en soi un sujet d’anthropologie. Cependant, la mise a jour d’une « ethnographie de Dieu » a ete possible non seulement en mettant a profit des outils de fouilles epistemologiques trouves a meme le terrain, mais en s’en tenant a la regle d’observer resolument l’effet « Dieu » considere en tant qu’objet d’un croire – a l’inverse du theologien cherchant plutot a raisonner devant le fait « Dieu » entrevu en tant que sujet croyant. En lieu et place de chapitres classiques, le concept global est de presenter des « tracees » de Dieu, un terme creolophone typique souvent employe par l’intelligentsia antillaise en souvenance des Noirs dits « marrons », ces figures aujourd’hui mythifiees qui fuyaient les Plantations a travers les mornes et les grands-bois non sans manquer d’elaborer des petites sentes reconnaissables a quelques indices que seuls eux-memes ou des proches pouvaient deceler. Partant de cette analogie, la recherche piste donc des « tracees » d’un Dieu « marronne » de multiples facons – et souvent secretement –, non seulement sous les couches d’une Histoire confisquee mais dans toutes les strates societales, religieuses, coutumieres, litteraires, langagieres, imaginaires, etc. de ces pays creoles. Assimilables a de profonds sondages effectues, ces tracees « de-couvertes », bien que non exhaustives, donnent un large apercu tant synchronique que diachronique de la problematique observee. A savoir comment et ou s’est le plus fortement imprime ce « label » Dieu constamment prononce dans tous les quotidiens mais apparaissant fort ambivalent et contrariant dans les trefonds d’une memoire blessee et theologiquement blessee chez les sujets creoles. A savoir encore, sur ces terres chahutees par tout ce que le colonialisme aura finalement exporte la sur un meme sol en un etalement de peuples, de cultures, de croyances et d’identites (amerindiennes, europeennes, africaines, asiatiques, levantines, americaines...) en processus continu, irreversible et imprevisible de metissage, si le « Bon Dieu » creole auquel on se refere est toujours le Dieu chretien ou un Dieu en fin de compte « entre-vu » comme la resultante d’une production toute autre ; par exemple tel le bulbe d’un rhizome alimente par ses multiples tubercules, tiges et radicelles ? C’est dans cette optique qu’ont ete retenues, pour cette these, huit tracees distribuees en trois registres. Dans un premier registre intitule « Dieu a fleur de peau », touchant aux memoires du Corps, sont dissequees trois tracees exposant les grandes blessures theologiques dites « sacrees » dont l’epreuve est toujours remarquablement surmontee : celle de l’arrachement de l’esclave a sa Terre-mere, suivi du gouffre de la traversee et de l’etonnante « re-naissance » de l’arrivee rapportee par tout un materiau anthropo-litteraire aux reminiscences bibliques et prophetiques surprenantes ; celle des stigmates de la trop fameuse fraude theologique de la Malediction de Cham reportee sur la race noire que propose d’enrayer la philosophie d’une veritable assomption creole ; et celle du faire-memoire annuel de tous les avatars de la servitude que rejoue annuellement le carnaval creole, grand lieu parodico-theologique ou Dieu se retrouve toujours singulierement endiable. Un deuxieme registre sous-titre « Dieu au bout des levres », s’interessant aux « ex-pressions » de la Parole, avec une tracee mettant en avant le conteur creole et ses subtiles mises en scene detournees d’un Dieu prenant la figure du Maitre colonial, ainsi qu’une autre tracee livrant une anthologie de proverbes creoles « theologiques » fort significatifs. Enfin, un troisieme registre nomme « Dieu, entrees multiples », touchant aux attentes de l’Esprit et ou sont traites en trois tracees les questions relatives aux croyances et pratiques religieuses en culture creole : celle tout d’abord consacree a ce genial petit genie caustique et tres spirituel issu de la condition servile qu’est la debrouillardise aux Antilles-Guyane ; celle, ensuite, s’attachant aux parcours et recours therapeutiques et religieux pluriels entrepris par les sujets creoles consultant tour a tour tant les seanciers creoles traditionnels (grands depositaires tutelaires contemporains du magico-religieux ambiant) que les pretres ou les pasteurs ; et celle, pour terminer, analysant de facon detaillee le panel antillais des niches et des composants religieux juxtaposes en tant que manifestation d’une creolisation culturelle endogene et en tant que combinatoire de l’apprehension globale, par continuum, d’une seule grande appartenance religieuse via la reappropriation d’un Dieu qui, etonnamment relegue hors de tous les systemes du croire, se retrouve, de fait, a entrees multiples.
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