La responsabilité de protéger et l’intervention humanitaire :de la reconceptualisation de la souveraineté des États à l’individualisme normatif

2010 
La recrudescence des conflits internes dans le contexte post-guerre froide a permis de propulser a l’avant-plan la preoccupation pour les individus. Alors que la paix et la securite internationales ont historiquement constitue les piliers du systeme institutionnel international, une porte s’ouvrait pour rendre effectif un regime de protection des droits de l’homme par-dela les frontieres. Pour les humanistes, l’intervention humanitaire representait un mal necessaire pour pallier aux souffrances humaines souvent causees par des divergences ethniques et religieuses. Pourtant, cette pratique est encore souvent percue comme une forme de neo-colonialisme et entre en contradiction avec les plus hautes normes regissant les relations internationales, soit les principes de souverainete des Etats et de non-intervention. La problematique du present memoire s’inscrit precisement dans cette polemique entre la preseance des droits de l’Etat et la predilection pour les droits humains universels, deux fins antinomiques que la Commission internationales pour l’intervention et la souverainete des Etats (CIISE) a tente de concilier en elaborant son concept de responsabilite de proteger. Notre memoire s’inscrit dans le champ de la science politique en etudes internationales mais s’articule surtout autour des notions et enjeux propres a la philosophie politique, plus precisement a l’ethique des relations internationales. Le travail se veut une reflexion critique et theorique des conclusions du rapport La responsabilite de proteger, particulierement en ce qui concerne le critere de la juste cause et, dans une moindre mesure, celui d’autorite appropriee. Notre lecture des conditions de la CIISE a la justification morale du declenchement d’une intervention humanitaire – criteres issues de la doctrine de la guerre juste relativement au jus ad bellum – revele une position mitoyenne entre une conception progressiste cosmopolitique et une vision conservatrice d’un ordre international compose d’Etats souverains. D’une part, la commission se dissocie du droit international en faisant valoir un devoir ethique d’outrepasser les frontieres dans le but de mettre un terme aux violations massives des droits de l’homme et, d’autre part, elle craint les ingerences a outrance, comme en font foi l’etablissement d’un seuil de la juste cause relativement eleve et la designation d’une autorite multilaterale a titre de legitimateur de l’intervention. Ce travail dialectique vise premierement a presenter et situer les recommandations de la CIISE dans la tradition de la guerre juste. Ensuite, il s’agit de relever les premisses philosophiques tacites dans le rapport de la CIISE qui sous-tendent le choix de preserver une regle de non-intervention ferme de laquelle la derogation n’est exigee qu’en des circonstances exceptionnelles. Nous identifions trois arguments allant en ce sens : la reconnaissance du relativisme moral et culturel; la necessite de respecter l’autonomie et l’independance des communautes politiques en raison d’une conception communautarienne de la legitimite de l’Etat, des requisits de la tolerance et des avantages d’une responsabilite assignee; enfin, l’apprehension d’un bouleversement de l’ordre international sur la base de postulats du realisme classique. Pour finir, nous nuancons chacune de ces theses en souscrivant a un mode de raisonnement cosmopolitique et consequentialiste. Notre adhesion au discours individualiste normatif nous amene a inclure dans la juste cause de la CIISE les violations systematiques des droits individuels fondamentaux et a cautionner l’intervention conduite par une coalition ou un Etat individuel, pourvu qu’elle produise les effets benefiques desires en termes humanitaires.
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