Corrélation et antinomie entre risque environnemental et risque santé humaine dans les pratiques phytosanitaires : des indicateurs d’évaluation pour gérer les risques

2013 
La France est le quatrieme consommateur mondial de phytosanitaires et se situe au premier rang au niveau europeen. L’agriculture a elle seule represente 90 % de ces utilisations. Plusieurs etudes ont montre que les molecules phytosanitaires sont une cause de disparition d’especes animales et vegetales de grand interet ecologique, telles que les abeilles domestiques (1). Par ailleurs les phytosanitaires sont a l’origine d’un grand nombre d’intoxications aigues et chroniques chez l’homme (2). Pour mener une politique de prevention des risques dus a l’emploi de produits phytosanitaires, il est necessaire de disposer de criteres d’evaluation de ces risques. Les politiques actuelles de reduction des produits phytosanitaires en France, tel que le Plan Ecophyto 2018, utilisent essentiellement des indicateurs « de pression » (3), dont l’Indicateur de Frequence de Traitement (IFT) qui ne reflete pas les risques lies a la toxicite des produits sur la sante humaine et l‘environnement. En complement aux indicateurs de pression (IFT, NODU, QSA), il existe des indicateurs dits d’impacts (4) qui ont ete developpes pour permettre d’evaluer les risques des pesticides sur l’environnement et qui sont calcules a partir d’une charge de phytosanitaires. Ces indicateurs ne tiennent pas compte de la specificite des matieres actives et de leur toxicite. D’autres travaux sont orientes vers des indicateurs specifiques a un seul organisme non-cible ou a un seul compartiment naturel. La litterature montre ainsi le manque d’indicateurs globaux (5) (prenant en compte les risques sur la sante humaine et la biodiversite, la mobilite, la persistance dans le sol, la bioaccumulation, etc.), generiques, simples et modulables. Sur les territoires, les differents acteurs de terrain (agriculteurs, gestionnaires, techniciens de chambres d’agriculture et de cooperatives, etc.) expriment le besoin d’indicateurs de gestion des risques des pratiques phytosanitaires, qui doivent etre synthetiques et adaptables aux circonstances de l’environnement recepteur et de la parcelle cultivee en permettant une utilisation a differentes echelles spatiales (parcelle culturale, exploitation jusqu’au territoire). Ce besoin d’outils operationnels de terrain d’aide a la reflexion pour la gestion des risques phytosanitaires a la fois sur la sante humaine et sur les differents compartiments de l’environnement nous a conduit a developper, en se basant sur des travaux Norvegiens (6), Quebecois1, et du groupe de travail europeen FOCUS (7, 8, 9), des indicateurs permettant d’evaluer les risques phytosanitaires au niveau de la sante humaine (IRTH) (10) et de l’environnement (IRTE) (11). L’IRTH (Indicateur de Risque de Toxicite sur la sante Humaine) est un indicateur a notation, generique et modulable suivant le cas d’application. Il evalue les toxicites aigue et chronique des produits phytosanitaires en considerant les proprietes physico-chimiques et toxicologiques des matieres actives. Il exprime aussi le risque associe a l’utilisation du produit en considerant l’exposition liee au type de formulation, au milieu et a la technique d’application. L’IRTE (Indicateur de Risque de Toxicite sur l’Environnement) est la somme de six variables evaluant les impacts eco toxicologiques sur les organismes vivants non-cibles (des invertebres terrestres, les oiseaux, les organismes aquatiques) et les comportements physicochimiques dans le milieu recepteur (Mobilite, Persistance dans le sol et Bioaccumulation). Il attribue a ces variables un poids avant de les integrer au calcul. Ces indicateurs a notation sont generiques et modulables suivant les pratiques phytosanitaires, l’echelle spatiale et les conditions du milieu physique. Pour automatiser les calculs de ces deux indicateurs, un logiciel de calcul « EToPhy2 » a ete developpe. Ces indicateurs sont utilises comme parametres dans des outils interactifs d’aide a la refl xion au niveau d’une exploitation agricole ou d’un territoire dans le cadre d’une approche participative. La demarche participative que nous avons developpee permet de definir de nouveaux leviers de gestion dans le choix des produits phytosanitaires en fonction des impacts sur la sante humaine et la biodiversite, d’evaluer l’impact du choix des cultures en fonction de la vulnerabilite du milieu, de quantifier les correlations et les antinomies des produits de traitement en terme de risque environnemental et de sante humaine permettant ainsi de rechercher des compromis en terme de strategie de protection des cultures. Un travail a ete ainsi conduit sur des itineraires techniques en viticulture et en grandes cultures permettant de comparer la valeur de ces indicateurs a differents niveaux. Tout d’abord entre les ITK des agriculteurs pour des productions equivalentes, sur plusieurs annees pour mettre en evidence la variabilite interannuelle, entre differents cepages de vigne (Merlot, Carignan, Cinsault, Grenache) et entre differents types de cereales etudies. Par ailleurs, une analyse de variabilite entre les valeurs d’IFT et celles des indicateurs de risque de toxicite a permis de montrer egalement des cas de correlation entre ces indicateurs et des antinomies montrant l’utilite d’etablir des indicateurs de risque de toxicite pour une meilleure gestion des pratiques phytosanitaires. En terme de gestion, ces analyses comparees permettent de construire des raisonnements localises en terme de strategie de choix de produits, de leur alternance et de recommandation sur des delais de retour dans les pratiques phytosanitaires.
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