Relation entre xérostomie subjective, objective et syndrome de Sjögren selon le sexe
2018
Introduction La secheresse oculo-buccale est le principal motif de suspicion de syndrome de Sjogren (SS). Dans les criteres diagnostics ACR/EULAR 2016 du SS, la xerostomie doit etre objectivee par le debit salivaire (DS) [1] . Malgre une forte predominance feminine (sex-ratio = 10) [2] , le SS affecte egalement les hommes. Dans notre experience, la gene liee a la secheresse est moins exprimee chez les hommes ce qui pourrait entrainer un sous-diagnostic de secheresse objective et donc de SS dans la population masculine. Dans ce travail, nous avons compare les evaluations de xerophtalmie subjective et objective entre hommes et femmes consultant pour une suspicion de SS. Patients et methodes Notre etude portait sur une cohorte de patients ayant consulte un meme medecin dans notre service de Medecine Interne entre janvier 2015 et juillet 2018 pour une suspicion de SS. Un syndrome sec buccal subjectif etait defini par la presence depuis plus de 3 mois d’une sensation quotidienne de bouche seche ou d’une necessite de boire pour avaler les aliments secs, conformement aux criteres internationaux. Le DS etait systematiquement evalue. Un DS ≤ 1,5ml/15 min definissait une xerostomie objective. Le SS etait defini par un score ACR/EULAR 2016 ≥ 4 apres exclusion des diagnostics differentiels. Les variables qualitatives etaient exprimees en valeur absolue et pourcentage et les variables continues en mediane et quartiles. Les performances diagnostiques etaient evaluees par les sensibilites (Se), specificites (Sp) et rapports de vraisemblance positifs (RV+). Resultats Parmi une cohorte de 194 patients d’âge median de 57 ans [49–67], 171/194 (88,1 %) rapportaient une xerostomie subjective dont 141/156 femmes (90,4 %) et 30/38 hommes (78,9 %). Le debit salivaire etait ≤ 1,5 mL/15 min chez 67/194 patients (34,5 %), dont 56/156 femmes (35,9 %) et 11/38 hommes (28,9 %) ( p = 0,42). Le DS ne differait pas entre hommes et femmes, qu’ils expriment une xerostomie subjective (respectivement 3,0 ml/15 min [1,0–6,4] contre 2,6 ml/15 min [1,0–5,0], p = 0,42), ou non (respectivement 5,0 ml/15 min [4,0–6,9] et 4,9 ml/15 min [3,5–10,0], p = 0,89). Les performances diagnostiques pour predire un DS ≤ 1,5 mL/15 min en cas de xerostomie subjective montraient une Se elevee dans les deux sexes (98,2 % [IC95 % : 94,7–100] chez les femmes, 90,9 % [IC95 % : 73,9–100] chez les hommes) mais une Sp mediocre (14,0 % (IC95 % : 7,2–20,8) chez les femmes, 25,9 % (IC95 % : 9,4–42,5) chez les hommes). Le RV+ etait de seulement 1,1 chez les femmes et 1,2 chez les hommes. Chez les hommes, le diagnostic de SS etait porte chez 9/11 (81,8 %) patients avec un DS ≤ 1,5mL/15 min contre 7/27 (25,9 %) avec un DS > 1,5 mL/15 min ( p = 0,029). Chez les femmes, la confirmation du SS ne differait pas entre patientes avec un DS ≤ 1,5 mL/15 min (32/56, 57,1 %) et avec un DS > 1,5 mL/15 min (47/100, 47 %) ( p = 0,22). Le RV+ du diagnostic de SS en cas de DS ≤ 1,5 mL/15 min est de 6,2 chez les hommes contre seulement 1,3 chez les femmes. Discussion Dans notre etude, la perception de secheresse buccale est semblable entre hommes et femmes avec des debits salivaires comparables. Dans les deux sexes, la Se de la secheresse subjective est elevee. En revanche, la Sp mediocre souligne l’importance du debit salivaire pour objectiver le syndrome sec. L’importante discordance entre syndrome sec subjectif et objectif interroge sur l’existence de deficits salivaires qualitatifs, comme pour le film lacrymal. En 2007, Alliende et al. observaient une diminution du taux salivaire de mucine Muc5b sulfatee (aux proprietes visco-elastiques) chez des patients atteints de SS sans deficit salivaire quantitatif, ce qui pourrait participer a la sensation de bouche seche sans diminution du DS [3] . L’apport de la xerostomie objective au diagnostic de SS est plus important chez les hommes. La secheresse liee a la menopause pourrait expliquer la moindre specificite dans la population feminine. Enfin, 54/95 (56,8 %) patients avec un SS avaient un DS > 1,5 ml/15 min, ce qui interroge sur l’interet d’un seuil plus eleve, moins restrictif. Conclusion La plainte de secheresse buccale est mal correlee au resultat du DS dans les 2 sexes. Toutefois, l’apport diagnostic d’une xerostomie objective au SS est plus faible chez les femmes. En raison du faible pourcentage de debit anormal, y compris chez les patients presentant un SS, nous nous interrogeons sur la pertinence du seuil de 1,5 ml/15 min et sur l’interet d’un test salivaire qualitatif accessible.
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