Lymphœdème vulvaire chronique révélant une maladie de Crohn cutanée chez un enfant

2015 
Introduction La maladie de Crohn (MC) est une maladie inflammatoire chronique de l’intestin, qui peut etre associee a differentes atteintes extra-digestives, dont les plus frequentes sont d’ordre dermatologique. L’atteinte des organes genitaux externes dans la maladie de Crohn n’est pas rare. Il s’agit souvent de fistules, d’ulcerations, de fissures et d’abces peri-anaux. Exceptionnellement, quelques cas de lymphœdemes genitaux ont ete decrits surtout chez l’enfant. Nous rapportons un cas de lymphœdeme vulvaire trainant permettant d’etablir le diagnostic de maladie de Crohn cutanee (MCC) chez un enfant. Observation Il s’agissait d’une enfant âgee de 16 ans, sans antecedents pathologiques notables, qui consultait pour un œdeme vulvaire persistant depuis 8 mois. Elle n’avait pas d’antecedents familiaux de maladie inflammatoire chronique de l’intestin. A la revue des systemes, l’enfant ne rapportait pas de troubles du transit ni de douleurs abdominales. Son developpement staturo-ponderal etait normal pour l’âge. Elle etait apyretique, en bon etat general. L’examen dermatologique avait revele un œdeme vulvaire important de consistance elastique englobant les grandes et les petites levres associe a des lesions erythemateuses pseudo-papuleuses s’etendant a la region peri-anale. Des fissures et des raghades s’y associaient au niveau des plis inguinaux et du pli interfessier. Elle avait par ailleurs une macrocheilite avec une perleche et une hypertrophie gingivale. Le reste du revetement cutaneo-phanerien etait sans particularite. L’examen osteoarticulaire, en particulier des deux hanches, etait sans anomalie. L’examen ophtalmologique n’avait pas montre de signes d’uveite anterieure. Trois biopsies cutanees etaient pratiquees au niveau de la vulve et du perinee, revelant une inflammation granulomateuse du tissu cutane, sans necrose caseeuse. Le diagnostic de maladie de Crohn cutanee etait retenu devant l’association des donnees histologiques a un contexte clinique evocateur par les fissures, le lymphœdeme vulvaire trainant, les lesions erythemato-papuleuses genitales et peri-anales, la macrocheilite et l’hypertrophie gingivale. La recto-coloscopie avait revele un aspect legerement hyper-vascularise de la muqueuse colique, sans autre anomalie associee. La fibroscopie digestive haute n’avait pas montre d’anomalie de la muqueuse gastroduodenale. L’etude anatomo-pathologique des biopsies muqueuses gastro-intestinales etait sans particularite, confirmant ainsi l’absence d’atteinte digestive associee a la MCC. L’enfant etait mise sous metronidazole a la dose de 1 g par jour avec une regression partielle de l’œdeme et une cicatrisation quasi complete des fissures des la 1 re semaine du traitement. Discussion La MC atteint l’enfant dans moins de 10 % des cas. Parmi ces formes pediatriques, la MCC est rarement decrite. Seule une trentaine de cas sont rapportes dans la litterature. Le tableau clinique comporte : lymphœdeme des organes genitaux, plaques, papules, nodules, abces ou ulcerations. Contrairement a l’adulte, la localisation genitale de la MCC est majoritaire chez l’enfant, sous forme de lymphœdeme. Cet œdeme genital precede souvent l’atteinte digestive, tout comme c’est le cas pour notre enfant. Sa physiopathologie est mal connue. Certains auteurs evoquent le role des depots cutanes de complexes immuns entrainant une reaction granulomateuse alors que d’autres proposent l’hypothese d’une reaction d’hypersensibilite de type IV mediee par les lymphocytes T provoquant une reaction granulomateuse avec atteinte vasculaire. La variabilite du tableau clinique, la rarete de la maladie et l’absence frequente d’atteinte digestive connue expliquent la difficulte diagnostique de la MCC chez l’enfant. La presence chez notre enfant de lesions buccales (macrocheilite, perleche et hypertrophie gingivale) en association avec la vulvite granulomateuse et les fissures inguinales et peri-anales est d’autant plus suggestive de MCC, malgre l’absence de signes gastro-intestinaux associes. Plusieurs traitements ont prouve leur efficacite dans la MCC, notamment les corticosteroides topiques, oraux ou intra-lesionnels, le metronidazole par voie orale, la dapsone, les tetracyclines, l’azathioprine, la 6-mercaptopurine, la sulfasalazine, la supplementation en zinc et recemment l’infliximab en cas de vulvite recalcitrante aux autres traitements. Conclusion Notre enfant illustre un cas rare de manifestations cutanees de la maladie de Crohn, caracterisees par un lymphœdeme genital trainant associe a des manifestations peri-anales et buccales evocatrices.
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