La subsistance des Pygmées Bakoya à l'épreuve de l'agriculture: dynamique des savoirs ethnobotaniques et des pratiques (Département de la Zadié, Ogooué-Ivindo, Gabon)

2010 
A l'origine chasseurs-cueilleurs semi-nomades, les Pygmees Bakoya vivent aujourd'hui dans des villages en bordure de route ou ils cohabitent avec des groupes ethniques non-pygmees (Mwesa, Mahongwe, Kota, Kwele et Bongom). Ce groupe pygmee atypique car sedentaire depuis relativement longtemps et pratiquant desormais une agriculture comparable a celle des agriculteurs non-pygmees aupres desquels ils ont appris a cultiver, offre un cadre interessant pour l'etude de la dynamique des savoirs naturalistes locaux. L'objet de ma these est d'etudier les repercussions que le changement de mode de subsistance des Bakoya a eu sur le corpus de savoir ethnobotanique, en me focalisant sur les plantes utilisees lors d'une activite traditionnelle, la collecte, et sur la principale culture vivriere, le manioc. Pour ce faire, j'ai mene une etude comparative et synchronique parmi les Bakoya d'Imbong et d'Ekata, deux villages contrastes en termes de distance a la ville et montrant aussi des differences socioeconomiques. J'ai analyse de quelle maniere les savoirs ethnobotaniques variaient selon l'âge et le sexe parmi les Bakoya des deux villages. Le meme protocole de recherche a ete mis en place aupres de leurs voisins non-pygmees, permettant ainsi de les comparer aux Bakoya et de voir si les uns et les autres se differencient. La methodologie employee est une combinaison de methodes tant qualitatives que quantitatives. D'une part, j'ai realise une ethnographie pour decrire les groupes sociaux en presence, leur organisation sociale et leur mode de production. Elle a permis de mettre en lumiere les changements sociaux, les transformations economiques de ce groupe : (i) la place importante qu'occupe l'agriculture dans le mode de production koya pour l'autoconsommation mais egalement pour la vente, (ii) l'abandon d'activites collectives traditionnelles, notamment de chasse, et (iii) des changements dans la nature des relations entre Bakoya et non-Pygmees, les Bakoya etant desormais, selon les cas, moins dependants des non-Pygmees. D'autre part, j'ai fait appel a des methodes quantitatives qui ont permis de mettre en lumiere de quelle facon les savoirs ethnobotaniques liees aux activites de subsistance sont distribues et transmis. Parmi les resultats obtenus, il apparait qu'aujourd'hui Bakoya et non-Pygmees partagent les memes pratiques agricoles et les memes connaissances concernant le manioc. Par contre, il existe des savoirs differencies concernant les plantes de collecte, les Bakoya etant globalement plus connaisseurs que les non-Pygmees, avec des distinctions plus notables en ce qui concerne la medecine traditionnelle et les arbres employes pour la construction ou la fabrication d'objets utilitaires. Par ailleurs, hommes et femmes, bien qu'ayant des savoirs specifiques lies aux pratiques qui leur incombent en echo a la division sexuelle du travail, ne sont pas pour autant depourvus de savoirs lies aux tâches du sexe oppose. Malgre la scolarisation, de facon generale les enfants ont des connaissances importantes concernant les plantes de collecte, mais aussi le manioc. De plus, le changement de mode de subsistance a eu notamment comme consequence un changement dans le systeme de valeurs des Bakoya. Dorenavant, apres une sedentarisation relativement ancienne et une cohabitation longue avec les non-Pygmees, leurs priorites sont plus tournees vers l'agriculture. Les perceptions liees a la foret se voient remodelees, en operant une dichotomie entre le monde du village et celui de la foret.
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