language-icon Old Web
English
Sign In

Un coin du voile et alentours

2006 
our a tour pesant et volatil, fragmente et enleve, l'art de Titus-Carmel multiplie aussi bien voiles que jeux de voiles, ombres et lumieres (statiques ou mobiles), ce qu'on tient, qu'on echappe, toutes figures conviees sur le blanc de la page, allegorie ou « envoilement »'. De la a rallier le vetement, description meticuleuse. Le vetement qui permet de changer de role, sinon de peau. Comme est faite de maints emprunts l'ecriture de Titus-Carmel, y compris a des cultures lointaines, de maintes resurgences poetiques, a commencer par Baudelaire, avec qui il partage le gout du drape et des « choses du tombeau ». Fascine donc, et tout autant, par le personnage de l'acteur, dont un poete comme Perros refusa le metier. Mais cette recherche narcissique de soi dans l'Autre... Une question alors : qu'en est-il du je ici, du «jeu » et de « l'enjeu », l'un et l'autre ne se confondant pas « Pas vraiment » (E 68-69) ajoute-t-il, non sans relancer le jeu. Bien sur il faudrait questionner cette part de beaute qui hante le poeme, comment elle rencontre la verite, a moins que ce soit l'inverse et quelle est-elle, cette verite ? , l'une et l'autre etrangement liees par l'art subtil du masque et du deguisement. Mais « o combien / est lourde / la beaute »2 qui fait echo au « Pauvre grande beaute ! » dudit Charles, rejoint ici en une sorte de dandysme de la creation, de culte effrene de l'œuvre d'art. Et pourtant c'est de lourdeur qu'il s'agit, de solennite. Cependant quelque chose nous souleve, nous emporte une elegance, une tenue : pas de taches grossieres, amas, ni degoulinures d'aucune sorte en cette quete obstinee qui genere sans cesse sa propre matiere, pour l'investir aussitot, secretant, comme l'araignee, le voile de sa propre toile. Mais d'abord, c'est un nom. Un nom memorable le nom du pere. Quoi de moins original ? Sinon que l'œuvre qui s'y rattache semble en tirer son ampleur et son rayonnement, vieux reve de puissance, et pour cause. Sans cesse sur ses traces, sans cesse cherchant a le meriter, ce nom. C'est qu'il n'est pas rien, « Titus-Carmel », ca n'est pas « Dupont » ! Ce n'est pas grand-chose pour autant pas encore. Et l'on peut parier que, le pere absent, le nom est forcement trop grand pour l'enfant. Un rien imposant, pour tout dire. Petit parigot d'un arrondissement peripherique, sans doute eut-il prefere alors, faute d'etre ne dans la Rome antique mais c'est absence que cela , voir le jour dans un bled au fin fond de la Creuse ou de la Saone-et-Loire. Ceci est une autre affaire. Les gemellites imaginaires s'inventent en cours de route. Et puis, on ne change pas le nom du pere. Ce serait le perdre une fois de plus, pour toujours. Quand bien meme ce nom mysterieux qui ne signifie pas grand-chose dans un Paris de petites gens renverrait a une absence. L'absence d'un etre, qui est aussi absence d'etre. Quoi qu'il en soit, on ne troque pas le nom de l'absent. Non. On se hisse, tente de l'habiter de l'eclairer, de lui ressembler, bref, de l'honorer, d'etre a la hauteur. Et voici que l'histoire commence son histoire. Qui ne sera sans doute pas exempte de quelque raideur de nuque, avec un penchant pour l'ennui, quand ce ne serait pas pour une tristesse dont temoigneront certaines « heures / passees a soigner la plaie / de ce nom »3. L'origine faisant defaut, une mythologie s'instaure, sorte de famille d'adoption par quoi l'on rejoint la cohorte des « rejetons princiers d'une dynastie lointaine de rois et d'aventuriers » (E 23). Il faut bien que ce nom ait une histoire, que le passe s'eclaire d'une victoire. En fait d'histoire il en est une bientot, que celui qui rentre des camps n'a pas fini de perpetuer. Telle maigreur scellee d'un mutisme lointain, peau et os, en echo (guttural) a ce nom de trois syllabes.
    • Correction
    • Source
    • Cite
    • Save
    • Machine Reading By IdeaReader
    0
    References
    0
    Citations
    NaN
    KQI
    []