Usage et fonctionnement d’un corps sans mode d'emploi. Que se joue-t-il entre l’intérieur et l’extérieur du corps dans la constitution d’une "physiologie du travail" (de l’Âge classique à la Belle Époque) ?

2017 
L’expression « physiologie du travail » apparait dans les Congres d’Hygiene et de Demographie de 1900 a 1904 pour designer un nouveau programme de recherches – que quelques savants et hommes politiques appellent de leurs voeux – appliquant les methodes et modeles de la physiologie fondamentale a l’etude du corps au travail dans differentes professions determinees. Se dotant en 1913 d’un premier laboratoire public officiel, la « physiologie du travail professionnel » tente d’initier – a travers la diffusion d’etudes de cas et la publication de textes programmatiques – une vaste entreprise d’analyse scientifique du travail humain censee permettre de rationaliser la legislation, d’arbitrer les conflits et d’optimiser l’organisation du travail. Developpees d’abord independamment des travaux de Taylor, ces recherches vont pourtant (des le debut des annees 1910) se presenter comme une amelioration du taylorisme – enterinant ses grands principes mais adaptant ses applications aux specificites de l’organisme humain.Prenant ce "moment 1900" comme point de depart de la reflexion, le present travail cherche a reinscrire les debats qui ont agite la constitution de cette nouvelle discipline dans la perspective de leur histoire longue – car le corps au travail n’attend pas le tournant du XXe siecle pour faire l’objet d’etudes scientifiques. L’hypothese mise a l’epreuve est alors la suivante : le probleme epistemologique essentiel qui se joue dans l’idee de « physiologie du travail » tient a ce que des specialistes du fonctionnement organique vont subitement proposer d’analyser la facon dont les travailleurs utilisent leurs corps, et pretendre ainsi evaluer et optimiser cet usage a l’aune de criteres directement issus d’une modelisation physiologique. Pour reperer les origines et suivre les evolutions de cette idee originale a travers les XVIIe, XVIIIe et XIXe siecles, ons’est donc propose d’interroger les glissements – dans quelques grandes etudes de cas historiques d’analyse du travail humain – entre l’interieur et l’exterieur du corps operes par une modelisation tendue entre desir de comprendre et volonte de reformer.Si le materiau analyse est de nature historique, l’angle d’analyse est – par contre – une question de type philosophique : qu'est-ce que les motivations et les difficultes des « physiologistes du travail » nous apprennent quant a la volonte de dicter aux etres humains le « bon usage » de leur propre corps – pour leur bien, et au nom d'une connaissance experte de son fonctionnement ? La problematique du present travail cherchera en effet a comprendre pourquoi ces physiologistes d'un genre nouveau ont pretendu assigner au corps des ouvriers un mode d'emploi – et surtout pourquoi une telle pretention a finalement echoue, ouvrant la voie a une nouvelle facon d'aborder le probleme dans ce qui deviendra a terme l'ergonomie.
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