À quel prix vêt-on la terre ou le vent ? Regards mulongo sur le vêtement dans La Saison de l’ombre de Léonora Miano

2019 
Comment le vetement est-il percu dans La Saison de l’ombre (Leonora Miano, 2013) ? A travers ce referent d’apparence superficielle, le recit nous fait percevoir la profondeur interculturelle des echanges qui se tissent a l’epoque de la traite negriere, cette « saison de l’ombre » des societes africaines. Les differentes fonctions anthropologiques du vetement, mises tour a tour en valeur, accompagnent et signifient dans cette fiction le processus historique de reification et d’assignation au fongible de l’homme lui-meme. Empathique, le recit nous rend solidaire de la communaute mulongo, victime des l’ouverture d’un incendie et de disparitions inexplicables. Pour cette communaute, le vetement, tire de la foret, protege comme elle. Toute etoffe, peau ou ecorce battue, sert a vetir, a proteger. Ce vetement est l’affaire des femmes, volontiers associe a leur parole, a leur travail et signe de leur force que souligne l’auteur par volonte d’hommage. Mais le recit rend egalement compte de l’etonnement d’un personnage mulongo face a l’art du tissage de ses voisins bwele, et des usages etranges, porteurs de menaces, qui sont chez eux associes a ces tissus, confectionnes par les hommes, vetant parfois non le corps, mais la terre. Plus loin encore, sur la cote, fin du monde inouie pour les Mulongo des forets, d’autres etoffes etrangeres, plus dangereuses encore, emprisonnent le vent lui-meme et bientot le desir d’elegance des femmes comme la soif de pouvoir des hommes. Telles sont les frontieres mentales et symboliques, culturelles et historiques qu’aura franchies le lecteur au long de ce recit en suivant l’aspect des etoffes a travers des yeux mulongo.
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