Etude de l’anthroposystème emblématique de l’étang de Berre : approches écosystémique et sociologique de l’impact du cténaire invasif Mnemiopsis leidyi

2019 
L’etang de Berre est un ecosysteme lagunaire historiquement perturbe par de forts rejets industriels et par des apports importants en eau douce naturels et anthropiques (centrale hydroelectrique EDF). Alors que les politiques de rehabilitation de l'etang de Berre, initiees depuis 1994, commencent a enregistrer leurs premiers succes, l'introduction et la proliferation de Mnemiopsis leidyi en 2005 pourraient limiter leur efficacite. L’originalite de cette etude est d’associer oceanographie et sociologie afin d’estimer l’impact de M. leidyi sur le fonctionnement de ce socio-ecosysteme. Nous avons pu montrer que la population de M. leidyi est capable de se maintenir sur une large gamme de temperatures (3°C-28°C) et de salinites (10-30), pour une quantite de carbone disponible > 3 µgC L-1. Nous avons demontre en laboratoire que la ponte est observee chez les adultes des 8°C, et a partir de 10°C chez les larves transitoires. La temperature apparait ainsi etre un facteur determinant dans la dynamique de la population de ce ctenaire. Les larves voient leur developpement en adulte bloque pour des temperatures inferieures a 14°C. En ete la population est dominee par des adultes dont les taux de reproduction sont eleves (2 221 ± 2 496 œufs ind-1 j-1) soutenant de larges blooms (jusqu’a 96 ind m-3). L’ingestion de Mnemiopsis sur la communaute zooplanctonique (principalement copepodes et larves meroplanctoniques) est tres variable de 4 ± 2 proies ind-1 j-1 a 1 370 ± 97 proies ind-1 j-1, mais montre une capacite a controler jusqu’a 80 % du stock de zooplancton reduisant le control top-down sur les communautes phytoplanctoniques. De plus, Mnemiopsis contribue faiblement via son excretion N-NH4 (jusqu’a 3,8 %) au pool d’ammonium et a la production regeneree, favorisant aussi la croissance du phytoplancton. De ce fait, la population agit favorablement sur le maintien de l’eutrophisation de l’etang de Berre par effet « top-down » et « bottom-up ». L’absence de ce ctenaire au cours d’evenements froids et sa reapparition plusieurs mois apres laissent penser soit a l’existence d’une source externe a l’etang ou a la presence de zone refuge. L’utilisation de la modelisation lagrangienne des transports de particules couplee aux mesures des variables environnementales a non seulement permis de comprendre la distribution de Mnemiopsis dans l’etang mais aussi d’identifier une zone refuge (l’etang de Vaine) favorable au maintien de M. leidyi. Les fortes proliferations de M. leidyi dans l’etang de Berre affectent principalement la peche professionnelle. Le fort colmatage des filets, la mutilation des prises, la degradation acceleree du materiel et l’augmentation de la penibilite induisent une perte economique annuelle estimee a 50 % par les pecheurs. La baignade est peu impactee sauf en cas de fortes proliferations durant lesquelles il peut y avoir desertion des plages de la lagune ; de meme, le nautisme n’indique une gene qu’en cas de fortes proliferations lorsque les ctenaires colmatent les circuits de refroidissement des moteurs. Dans le cadre interdisciplinaire, la comprehension des interactions biologiques et anthropiques a permis de montrer que Mnemiopsis presentait une entrave a la mise en œuvre des efforts de rehabilitation. De plus, la recente installation de l’hydromeduse invasive urticante Gonionemus vertens pourrait egalement etre une menace en raison de l’elargissement de son aire de repartition liee a la transplantation des herbiers a zostere. Par consequent, dans un contexte d’invasions biologiques, les perspectives de rehabilitation de l’etang de Berre restent toutefois soumises au caractere imprevisible de la nature.
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