Poésie et argumentativité. Sur les métaphores guerrières d’Apollinaire

2017 
Philippe Wahl, « Poesie et argumentativite. Sur les metaphores guerrieres d'Apollinaire », M. Bonhomme, A.-M. Paillet et P. Wahl (dir.). Metaphore et argumentation, Editions Academia-L'Harmattan, p.279-301, 2017. ⟨halshs-01997411⟩ (version auteur, mars 2020) Poesie et argumentativite Sur les metaphores guerrieres d'Apollinaire La « nouvelle rhetorique » a contribue au regain de la techne aristotelicienne comme art de la parole efficace. Elle a reinvesti sous cet angle le repertoire des figures, que la « rhetorique restreinte » avait reversees dans la seule elocutio (Genette 1970). Mais elle maintient une opposition discutable entre la figure « argumentative » et la « figure de style » ornementale, « inefficace comme moyen de persuasion » (Perelman et Olbrechts-Tyteca [1958] 1976 : 229 ; Perelman 1977 : 53). L'etude des figures a ete profondement renouvelee par les approches enonciatives et pragmatiques 1 , ou encore la perspective hermeneutique de la semantique interpretative 2. Sous la diversite de leurs modeles theoriques, les analyses recentes manifestent une attention commune aux modes de co(n)textualisation des figures et placent l'accent sur leur composante dynamique, tensionnelle et graduelle. En marge de l'appreciation esthetique heritee de la rhetorique restreinte, un enjeu est d'evaluer l'effet pragmatique des figures, y compris les conditions de realisation de leur potentiel argumentatif. Statut rhetorique de la metaphore litteraire La metaphore s'est imposee dans la tradition rhetorique comme une archi-figure. Ce statut pouvait sembler programme par le sens generique du terme grec µetajora, applique a tout processus tropologique dans la Poetique d'Aristote. Il est surtout du au pouvoir cognitif et a la diversite des enjeux discursifs de la metaphore de type « analogique », qui en fait un processus essentiel du langage. Le depassement des analyses par l'ecart ou la substitution, au profit d'interactions semantiques entre un theme et un phore 3 , suppose une double contextualisation de la figure : in praesentia (extension de l'empan discursif de la « figure de mot ») ; in absentia (relation dialogique entre l'enonce occurrent et d'autres discours). La description tensionnelle promue par P. Ricoeur prete a la « metaphore vive » un « contenu cognitif » specifique (Ricoeur 1975 : 113-114), qui en fait un ressort didactique, voire argumentatif, selon des modalites a definir. Qu'en est-il de la metaphore litteraire ? Le trope presente une affinite avec la litterature, qu'Aristote a justifiee par un commun effet d'etrangete, source d'etonnement donc d'agrement en « poesie » (Livre III, chap. II). On peut distinguer la metaphore litteraire par son pouvoir « de projeter et de reveler un monde » (Ricoeur 1975 : 120). L'autonomisation de la litterature a favorise une conception formelle et esthetique des figures, mais le lien n'a 1 Voir en particulier M. Bonhomme (2005) et A. Rabatel (dir.) (2008). Sur le « processus metaphorique », voir l'etude praxematique de C. Detrie, qui fait du trope un possible « instrument ideologique » (Detrie 2001 : 135). 2 Voir F. Rastier ([1987] 1996 ; 2001). 3 Voir la synthese de P. Ricoeur (1975), a partir des travaux de Richards (1936) et Black (1962) entre autres. On retiendra le couple terminologique theme/phore, issu des travaux de C. Perelman et L. Olbrechts-Tyteca ([1958] 1976). Il est souvent soumis a un scheme oriente [theme ð phore] ; mais le propre du discours poetique est de questionner ces poles fonctionnels et l'orientation du cinetisme figural (voir Rastier : 2001 ; Bonhomme 2005 : 124).
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