Jeu d'espace, espace de jeu. Philosophie et genèse hausdorffienne des espaces topologiques

2019 
Notre projet de recherche interroge le probleme des rapports entre philosophie et mathematiques ; probleme tout a fait pregnant et qui, s’il vient scander a l’envi toute l’histoire de ces deux proces, a cependant pris une inflexion particuliere a partir de ce que l’on a appele la "crise des fondements mathematiques" (crise survenue a la fin du 19eme siecle et qui s’est poursuivie durant la premiere moitie du 20eme siecle). Plus specifiquement, ce projet ambitionne d’evaluer le role de speculations de type philosophique dans l’elaboration de la topologie. Si nous avons opte pour cette derniere theorie en effet, c’est que, outre son interet intrinseque (et qui tient notablement deja a l’eclairage qu’elle apporte sur des notions philosophiquement tres riches, en premier lieu celle de "continuite"), elle est egalement depositaire, selon une modalite qu’il s’agit d’eclaircir, du fait que l’œuvre complete de ses fondateurs se caracterise par une abondante production philosophique. Nous pensons notamment ici a Hausdorff, qui est a l’origine de l’axiomatisation de la theorie, de la notion meme d'"espace topologique", et dont le kanto-nietzscheisme est souvent source d’etonnement. Si nous avons en outre evoque la periode de crise des fondements mathematiques, c’est que l’elaboration de la topologie, bien qu’assez largement contemporaine et meme en partie tributaire de celle-ci (au sens ou les travaux cantoriens, sur les ensembles de points ou les ordinaux notamment, ont ouvert un champ de recherche dans lequel les premiers topologues se sont engouffres), s’en distingue pourtant par ses orientations particulieres. Bien plus qu’ils ne s’inscrivent dans le cadre fondationnaliste, les travaux de la topologie naissante se caracterisent en effet davantage par une reappropriation, selon des fins qui leur sont propres, d’un certain "bagage" technique fourni par -ou a l’origine de- la crise.La genese de la topologie offre ainsi un eclairage original sur la question des modalites du dialogue entre philosophie et mathematiques. Et a cet egard le cas de Hausdorff, qui s’etait cree, sous le nom de Paul Mongre, un double philosophe, poete et dramaturge, joue un role preponderant -et fait proprement l'objet de notre etude. Ce dedoublement, qui explique en partie la ligne de demarcation tracee, dans l’œuvre generale, entre la production proprement mathematique et les speculations philosophiques (les deux, bien qu’encore inedites en francais, ayant d’ailleurs connu des posterites tres differentes), pose bien le cadre d’un intriguant dialogue, a une seule voix, entre un nom fameux des mathematiques et son pseudonyme philosophique. Or, les thematiques cheres a l’un et a l’autre s’averent souvent "connexes" : les reflexions, en lien avec la notion de "continuite", sur le temps, l’espace, ainsi que la conception (originale au moment de sa redaction puisque "l’empirisme logique" est encore a venir) d’un formalisme comme element d’un veritable empirisme, jouent manifestement un role constructif –mais a preciser en tant que tel –pour l’elaboration d’une topologie ensembliste. Dans l’autre sens, une conception des mathematiques comme outil critique pour la philosophie se degage progressivement. Plus specifiquement, certains textes, comme notamment le Raumproblem et les conferences de 1903-1904 (qui sont inedites), servent veritablement de point de jonction entre les deux "pans" de l’œuvre. Enfin, le positionnement original de Hausdorff relativement aux premiers questionnements ensemblistes a manifestement –en amont –des racines philosophiques et explique –en aval –que le mathematicien ait pu "tirer" la theorie cantorienne vers de nouvelles pistes.
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