Compte rendu du congrès « Early paleogene warm climates and biosphere dynamics » Göteborg, Suède

2000 
Le congres sur les climats chauds du debut du Paleogene et la dynamique de la biosphere a reuni environ 130 personnes, venues de 22 pays differents : Americains, Russes, nombreux Europeens, Egyptiens et Israeliens, et jusqu'a des Australiens et Neo-Zelandais. L'interet principal de ce congres tres reussi etait son interdisciplinarite, puisqu'il a reuni des membres des differentes branches de la paleontologie avec des stratigraphes, des geochimistes, des oceanographes et des climatologues. Placee dans le prolongement de reunions consacrees aux evenements entourant la limite Paleocene-Eocene (un PIGC, une Conference Penrose en 96, un congres a Paris en 98), cette reunion elargissait la perspective a la periode allant du Paleocene a l'Eocene moyen, autrement dit a la transition entre une terre chaude sans calotte glaciaire et une terre chaude a une seule calotte glaciaire.Une bonne partie des contributions portait encore sur la cascade d'evenements qui signent la limite Paleocene-Eocene. En effet, le rechauffement climatique qui s'est produit aux alentours de – 55 Ma semble bien etre la meilleure approximation dans l'histoire de notre planete de ce que pourrait etre un rechauffement rapide produit par les gaz a effet de serre. Ce rechauffement interesse donc beaucoup les climatologues, qui y voient l'occasion de tester leurs modeles. Mais pour cela il faut pouvoir integrer des donnees aussi precises que possible et bien correlees, provenant de differentes regions et de differents milieux, ce a quoi s'est attelee une partie de la communaute scientifique presente a cette reunion. Des etudes regionales tres detaillee ont ete fournies autour de la Tethys (Espagne, Tunisie, Egypte, Israel), dans la mer du Nord, dans une zone intermediaire entre les deux en Autriche, dans le Golfe des Etats-Unis. Un bon contingent de Russes a presente des syntheses sur la region s'etendant de la mer Noire a l'Asie centrale, et sur les mers de l'ouest et l'est siberien. Des contributions concernaient egalement l'Antarctique, l'Australie et la Nouvelle-Zelande. Si l'on ajoute a tout cela les sondages oceaniques provenant de latitudes diverses et de plusieurs oceans, on voit que l'approche des evenements en question est effectivement devenue globale.En ce qui concerne les mecanismes du rechauffement brutal au LPTM (Late Paleocene Thermal Maximum), les gaz a effet de serre sont bien en cause : la geochimie reflete un influx massif de CO2, et un consensus semble se renforcer pour expliquer celui-ci par des emissions de methane dans les fonds oceaniques (Dickens et coll., 1995). En revanche, on ne saisit pas encore ce qui a conduit au rechauffement des eaux oceaniques profondes, c'est-a-dire qui a declenche le processus. Des analyses a haute resolution effectuees recemment sur les meilleurs sondages oceaniques permettent d'estimer precisement la duree de l'intervalle entre le sommet du Chron C25n et le debut de l'anomalie du ðC13 et de l'extinction benthique, donc de dater precisement l'anomalie. Ces analyses montrent egalement la complexite du phenomene LPTM : une serie de deux a trois evenements etales sur 20 a 30 000 ans, probablement precedee d'une courte periode de refroidissement (Norris, Bains, et coll.). L'attention renouvelee portee aux climats eocenes, a partir de registres etudies dans le detail, amene a soupconner, sur fond de climat chaud, l'existence de plusieurs intervalles a temperatures tres elevees (« hyperthermals », Thomas et Zachos). Ainsi notre connaissance des climats chauds du debut du Paleogene est-elle en plein renouvellement.Les plantes continuent a fournir des donnees essentielles a la reconstitution des climats continentaux. Les nombreux paleobotanistes venus a cette reunion y ont anime deux sessions. Les etudes de flores, fort avancees en Amerique du Nord, revelent des paradoxes, en particulier un refroidissement net juste apres le LPTM ; celui-ci est reflete aussi bien par les isotopes de l'oxygene que par les analyses de marges foliaires (Wing). Le rechauffement global est maintenant documente en Asie par des flores chaudes qui ont atteint le Kamchatka.L'interpretation des mineraux argileux dans les series marines a donne lieu a des echanges animes entre les partisans d'une lecture climatique directe des signaux argileux et les partisans d'une interpretation en termes d'erosion d'une couverture riche en bauxite et kaolinite. Au nord-est des Etats-Unis, un pic de kaolinite coincide avec l'anomalie des isotopes du carbone, l'extinction des foraminiferes benthiques et un changement dans les flores terrestres et marines (Gibson et coll.). Un pic de kaolinite est frequemment trouve au LPTM. Mais, si tout le monde s'accorde sur l'augmentation de la temperature, il est moins evident de savoir si ce pic correspond a une augmentation des pluies ou au contraire a une augmentation de l'aridite. Les modelisateurs du climat ont d'ailleurs fait remarquer que le LPTM ne peut avoir ete plus humide partout : il a du exister des regions presentant une augmentation de l'evaporation.Parmi les donnees geochimiques presentees, on note des etudes tres fines effectuees sur des coquilles de mollusques en aragonite, a des intervalles reguliers de la croissance des individus, des ð018, ðC13, Sr87/Sr86. Ainsi peut-on mettre en evidence une saisonalite marquee dans les temperatures des eaux de mer et des eaux douces, ou estimer l'humidite de l'air et le ð018 de la pluie (Bassin de Paris, lac de Green River, Andreasson, Schmitz, Koch, Morrill). Les climats chauds du Paleogene etaient accompagnes de saisons marquees aux latitudes moyennes.En ce qui concerne l'ocean, de nombreux problemes ont ete abordes. L'idee repandue que des oceans chauds seraient accompagnes de courants faibles a ete critiquee aussi bien par des modelisateurs (Bice et Marotzke) qu'a travers des donnees sedimentaires indiquant le contraire (Gibson et coll.). Par ailleurs, l'etude des poussieres permet de situer la zone de convergence intertropicale, qui a l'Eocene etait a plus de 20° de latitude nord. Ceci, ajoute au climat chaud et aux vents faibles, montre que l'ocean eocene etait extremement different de l'ocean actuel (Rea et coll.).Il est apparu clairement a ce congres que les donnees issues des sondages oceaniques non seulement restent une reference obligee dans la recherche des meilleurs enregistrements sedimentaires, mais sont aussi la source de progres considerables dans nos connaissances paleoceanographiques et paleoclimatiques. Par ailleurs, les paleontologues se sentaient bien a leur place dans cette reunion interdisciplinaire, ou des modelisateurs du climat etaient tres demandeurs de leurs donnees. En effet, celles-ci leur permettent de tester leurs modeles. On sait deja que les modeles climatiques generaux de circulation (GCMs) ne sont pas au point concernant les conditions continentales aux latitudes moyennes.Ce bref compte rendu ne saurait epuiser l'etendue des questions abordees lors du congres. Si bon nombre de ces problematiques figurent dans « Late Paleocene-Early Eocene Climatic and Biotic Events in the Marine and Terrestrial Records », Aubry et al., eds, 2998, les lecteurs interesses guetteront la publication d'un numero special de la revue suedoise GFF, qui devrait donner rapidement une partie des nouveaux resultats presentes a Goteborg. Sur les evenements climatiques remarquables du debut du Paleogene, les connaissances evoluent rapidement.\rM. Godinot pour GEOCHRONIQUE n° 72, 1999
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