Dysphagia lusoria : une curiosité anatomique et une entité clinique : à propos de trois observations

2015 
Introduction La decouverte d’une artere sous-claviere droite aberrante (ASDA) n’est pas exceptionnelle ; elle est rencontree dans 0,5 a 1,8 % de la population. Plus de neuf fois sur dix, cette particularite de l’embryogenese est asymptomatique. Nous rapportons trois observations de dysphagie en rapport avec une ASDA retro-œsophagienne ou arteria lusoria. Le cas princeps remonte a 1794 et a ete decrit par Bayford sous le vocable de dysphagia lusoria. Observation Observation n o  1 : patiente de 58 ans hypertendue en surpoids adressee en juillet 2011 pour douleur thoracique anterieure depuis 4 mois associee a des episodes de blocage œsophagien quasi-quotidiens. Sur l’echographie cervicale etait notee l’existence d’un kyste du tractus thyreoglosse. L’endoscopie œsogastrique s’averait rassurante. La TDM thoracique completee d’une angioIRM retrouvait une arteria lusoria associee a un tronc commun a l’origine des 2 carotides primitives. Le transit œsogastroduodenal confirmait l’existence d’une compression extrinseque de l’œsophage chiffree a 90 % avec stase du produit de contraste en amont. En septembre 2011, la patiente beneficiait d’une fermeture intramediastinale de l’ASDA (sternotomie) avec reimplantation dans la carotide primitive droite (cervicotomie). Les suites operatoires etaient simples avec disparition des troubles de la deglutition a distance. Observation n o  2 : patient de 52 ans sans passe ethylo-tabagique, hospitalise en decembre 2014 pour une dysphagie et une dysphonie avec amaigrissement de 3 kg en une annee. La biologie etait non contributive. La fibroscopie gastrique retrouvait une compression extrinseque a 25 cm des arcades dentaires et l’examen ORL mettait en evidence une paralysie complete de l’hemilarynx gauche sans lesion suspecte associee. Le scanner TAP n’objectivait aucune anomalie mediastinale en dehors d’une arteria lusoria naissant de la partie descendante de la crosse aortique avec compression de l’œsophage. Le patient est adresse aux chirurgiens vasculaires. Observation n o  3 : patiente de 57 ans fumeuse (20 paquets-annees) hospitalisee en fevrier 2015 pour douleur cervicothoracique migratrice depuis 3 mois accompagnee d’une dysphagie aux solides et d’un amaigrissement de 12 kg. L’endoscopie gastrique n’objectivait qu’une hernie hiatale non compliquee. La laryngoscopie en suspension sous anesthesie etait sans particularite, le bilan thyroidien normal. Le TDM cervicothoracique ne retrouvait rien d’anormal au niveau mediastinopulmonaire mais mettait en evidence une arteria lusoria de 13 mm de diametre. Le transit baryte confirmait une empreinte extrinseque sur le tiers superieur de l’œsophage. La patiente est confiee en chirurgie vasculaire. Discussion A partir d’une recente revue de la litterature [1] regroupant 141 observations d’ASDA (126 cas cliniquement documentes et 15 cas anatomiquement confirmes), il apparait que l’âge moyen de mise en evidence est de 50 ans (45 ans chez l’homme et 54 ans chez la femme). L’anomalie est plus frequemment rencontree chez la femme que l’homme (55 % versus 44 %). L’incidence est plus elevee lorsque coexiste une tetralogie de Fallot, une atresie pulmonaire un syndrome de Down ou de Di George. Chez l’adulte, les symptomes rapportes sont essentiellement une dysphagie et des douleurs thoraciques atypiques sources d’errance diagnostique comme dans nos observations 1 et 3. Une dysphonie est rapportee de maniere tout a fait exceptionnelle (observation 2). Chez l’enfant du fait du caractere compressible de la trachee se surajoutent des signes respiratoires (stridor, wheezing , cyanose, pneumopathies iteratives). La rigidite accrue de la trachee et de l’œsophage (qui s’accentuent avec l’âge), la formation d’un anevrisme proximal sur l’ASDA (diverticule de Kommerell) l’atherosclerose, la coexistence d’un truncus bicaroticus (origine commune des arteres carotides droite et gauche a partir de la crosse aortique comme dans l’observation 1) constituent des facteurs de risque pour rendre symptomatique l’arteria lusoria. Le traitement chirurgical est reserve aux patients tres symptomatiques ou lorsqu’il existe un anevrisme menacant. Diverses modalites sont proposees : chirurgie conventionnelle (ligature proximale ASDA, reimplantation dans la carotide interne droite), technique endovasculaire pure, therapeutique hybride. Conclusion La dysphagia lusoria est une cause rare de dysphagie de l’adulte. La decouverte d’une arteria lusoria en tomodensitometrie est bien souvent fortuite. Avant de rattacher la dysphagie a une arteria lusoria, une analyse rigoureuse et exhaustive reste indispensable.
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