Les figures de l'ange et de la sorcière : l'inscription du discours janséniste dans trois oeuvres de fiction d'Anne Hébert
2007
Ce travail trouve son origine dans une carence du discours critique sur la religion dans le roman quebecois et chez Anne Hebert en particulier, soit une absence d'analyse du jansenisme. Cette doctrine est pourtant consideree comme un element structurant de la mentalite quebecoise du XXe siecle. Et c'est une idee recue, encore aujourd'hui, que l'Eglise du Quebec en a ete impregnee. Il nous a paru qu'une etude sociopoetique, centree sur les figures de l'ange et de la sorciere (appartenant a la fois au code catholique et au code folklorique), inscrites dans trois romans cles de notre auteure, nous permettrait d'aller plus avant sur cette question. A cette fin, notre these presente d'abord une typologie sommaire du jansenisme. Vient ensuite une description du paradoxe ne du fait qu'une Eglise ultramontaine puisse etre janseniste. Pour mieux comprendre le phenomene, nous esquissons l'horizon ideologique d'Anne Hebert et degageons son projet d'ecrivain pour aborder, dans un deuxieme volet, les marques du phenomene janseniste dans notre corpus. Nous trouverons en filigrane, dans l'intertexte catholique et janseniste, des traces discursives du fameux manifeste des artistes: Refus global. Dans le troisieme volet, notre analyse des procedes structuraux utilises par Anne Hebert fera voir une transformation de la sorciere-magicienne en artiste-magicienne, nous amenant a constater le renversement des signes ange et sorciere, en meme temps que le passage d'une devalorisation a la valorisation de la femme et de l'art. Ce faisant, nous decouvrirons enfin que la revolte d'Anne Hebert contre le mensonge et les contradictions que nous avons cherche a accentuer equivaut a une revolte contre un faux
« jansenisme », c'est-a-dire contre une mentalite qui est, en grande partie a tort, consideree comme representative des port-royalistes. Car il s'agit chez elle d'une satire de la mentalite et du discours social ultramontains qui ont, pour ainsi dire, recupere le vocabulaire janseniste, porteur de themes et de motifs qui interessaient jadis profondement les port-royalistes (et sur lesquels ceux-ci ont medite avec tant d'integrite), mais pour le detourner. L'usage qui est fait de l'intertexte catholique et folklorique dans les trois oeuvres examinees ici opere donc bel et bien un renversement des signes chretiens, mais il n'y a pas renversement des valeurs evangeliques. En fait, ces valeurs sont rehaussees: elles sont tres savamment, et de facon surprenante, mises en evidence. Par cette grande conclusion ou se revele l'art tres raffine d'Anne Hebert, nous pensons contribuer a remedier a l'occultation que nous avons au depart observee, dans le discours critique quebecois. Nous esperons avoir tire au jour un refoule authentiquement chretien a travers un discours et des formes narratives exemplaires. ______________________________________________________________________________ MOTS-CLES DE L’AUTEUR : Intertextes catholique, Folklorique et borduasien, Inversion parodique des images religieuses, Marques jansenistes positives et negatives (XVIIe – XXe siecles), Sorciere-magicienne-artiste, Ecrivain fictif.
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