Un piège diagnostique : le syndrome de transillumination bilatérale aiguë de l’iris

2019 
Introduction Nous rapportons le cas d’une entite clinique de description recente pouvant etre confondue avec une uveite anterieure aigue : le syndrome de transillumination bilaterale aigue de l’iris (souvent abrege BAIT pour Bilateral Acute Iris Transillumination). Observation Nous rapportons le cas d’un homme de 42 ans suivi conjointement en medecine interne et en ophtalmologie pour des tableaux ophtalmologiques recidivants evoquant des uveites anterieures aigues bilaterales. Ce patient ne presentait aucun antecedent majeur et en particulier aucun antecedent ophtalmologique. L’histoire clinique debute trois ans auparavant par une embolie pulmonaire bilaterale revelatrice d’un deficit severe en proteine S. Cet episode etait marque par un infarctus pulmonaire surinfecte necessitant une antibiotherapie par ceftriaxone et metronidazole rapidement relayee par piperacilline-tazobactam et ciprofloxacine. L’evolution pulmonaire etait favorable mais dix jours apres le debut du traitement apparaissait brutalement un tableau de rougeur et douleur oculaire gauche. Un diagnostic d’uveite anterieure aigue non granulomateuse avait ete retenu. Un traitement par corticoides locaux (dexamethasone) etait introduit. Un syndrome sec oculaire severe etait parallelement pris en charge. Les tentatives de decroissance de la corticotherapie se soldaient malheureusement par de multiples poussees avec bilateralisation du phenomene. Ces episodes se caracterisaient par l’existence d’un important Tyndall pigmente sans precipites retrodescemetiques avec apparition d’une hypertonie intra-oculaire importante a angle irido-corneen ouvert. L’examen du segment posterieur ne retrouvait pas d’argument pour une uveite posterieure. En revanche, une atrophie optique particulierement marquee du cote gauche etait notee (excavation papillaire avec rapport cusp/disc a 1). Un traitement hypotonisant important avait du etre instaure y compris par acetazolamide per os. Une corticotherapie orale etait egalement initiee (prednisone 1 mg/kg/jour). Le bilan etiologique large y compris la ponction de chambre anterieure ne permettait pas de retrouver une etiologie particuliere a ces « uveites » atypiques. En particulier, la serologie syphilitique et la recherche HLA-B27 etaient negatives. La reprise de l’examen ophtalmologique associant Tyndall pigmente, absence de precipites retrodescemetiques, depigmentation du stroma irien et hypertonie intraoculaire, faisait finalement evoquer un syndrome de transillumination bilaterale aigue de l’iris. Un traitement par methotrexate etait introduit a visee d’epargne cortisonique et afin d’eviter de nouvelles poussees deleteres pour la fonction visuelle. Discussion Le syndrome de transillumination bilaterale aigue de l’iris (BAIT) est une entite clinique de description recente caracterisee par un debut brutal des symptomes et de diagnostic differentiel parfois difficile avec une iridocyclite bilaterale. Dans la plus importante serie actuellement publiee (26 patients), Tugal–Tutkun et al. recensent les caracteristiques cliniques principales a savoir une rougeur oculaire, des douleurs, une photophobie, une depigmentation irienne stromale avec pigmentation du trabeculum et une atonie pupillaire avec semi-mydriase. L’hypertonie oculaire est presente chez la majorite des patients et requiert des traitements hypotonisants parfois lourds [1] . La pathogenie n’est actuellement pas connue mais la grande majorite des cas rapportes dans la litterature survient dans les semaines suivant une antibiotherapie comme dans notre observation. La moxifloxacine (fluoroquinolone) est frequemment retrouvee dans les cas rapportes [2] . Il semble egalement exister une tres nette predominance feminine [1] , [2] , [3] . Si le diagnostic est pose au final par l’ophtalmologiste, l’interniste doit rester vigilant devant une uveite aigue anterieure qui ne fait pas ses preuves. Dans la serie de Tugal–Tutkun, 19 patients (73 %) avaient ete adresses dans un centre specialise pour poursuite d’un bilan d’iridocyclite [1] . La prise en charge consiste en une corticotherapie locale et en des traitements hypotonisant. L’evolution est generalement favorable en quelques semaines a quelques mois. L’originalite de la presentation du BAIT chez notre patient reside non seulement dans l’atteinte importante de la papille optique mais egalement dans le caractere corticodependant necessitant l’introduction du methotrexate. Conclusion L’existence du syndrome de transillumination bilaterale aigue de l’iris merite d’etre connue de l’interniste. La survenue brutale d’un tableau evocateur d’une uveite anterieure aigue atypique au decours d’une antibiotherapie doit faire rechercher ce syndrome par l’ophtalmologiste.
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