Biosurveillance des expositions professionnelles en Europe : le projet HBM4EU

2020 
Introduction La biosurveillance des expositions professionnelles permet la surveillance et l’evaluation du risque chimique par le dosage biologique de ces substances chez les travailleurs. Ses resultats interpellent de suite les salaries et les employeurs quant a la realite de l’exposition et l’efficacite des mesures de prevention mises en place. Utile dans une approche quotidienne en medecine du travail, elle apporte aussi un soutien aux decideurs en tant que levier d’action pour une meilleure prevention des risques en particulier au niveau europeen. La Commission europeenne reconnait la pertinence de cette biosurveillance et le besoin d’une approche europeenne plus harmonisee. C’est dans ce cadre que s’inscrit le projet europeen de biosurveillance HBM4 EU, Human biomonitoring for Europe. Ses Objectifs sont de favoriser l’emergence d’un reseau de partenaires et de laboratoires autour de la biosurveillance pour contribuer a l’elaboration de standards europeens, d’ameliorer la connaissance des expositions chimiques en Europe et de fournir des donnees pour faire evoluer la reglementation europeenne. La biosurveillance des expositions professionnelles ainsi que la biosurveillance environnementale en population generale sont integrees au projet. Sante publique France (Sp-France), l’Agence nationale de securite sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) et l’Institut National de Recherche et de Securite (Inrs), contribuent a HBM4 EU au sein d’un reseau d’acteurs francais regroupant des structures de recherche et des parties prenantes. Un groupe de travail specifique a la biosurveillance en sante travail a ete mis en place et reunit des acteurs nationaux de 9 pays : Belgique, Finlande, France (Sp-France, Inrs), Italie, Pays-Bas/Autriche, Pologne, Portugal, Royaume-Uni, Allemagne. Plusieurs types d’action y sont menees, entre autres : – prioriser les substances chimiques a surveiller ; – elaborer des revues scientifiques sur les etudes de biosurveillance professionnelle pour certaines substances chimiques ; – mettre en place des etudes coordonnees de biosurveillance professionnelle. Cette presentation portee par trois institutions eclaire les trois etapes d’une telle approche coordonnee : – les revues scientifiques utiles pour orienter la biosurveillance (SP-France) ; – l’aspect pratique d’une etude de terrain, illustree par l’exposition au chrome hexavalent (Inrs) ; – le developpement de valeurs limites biologiques pour les travailleurs (Anses). Revues scientifiques Les Revues scientifiques (basees sur la methode PRISMA) font l’etat de l’art des etudes de biosurveillance disponibles sur l’exposition des travailleurs a certaines substances chimiques, dont certains cancerogenes et/ou perturbateurs endocriniens (phtalates, bisphenols, hydrocarbures aromatiques polycycliques, diisocyanates). Elles permettent d’identifier les lacunes en matiere de connaissances et portent en particulier sur (i) les biomarqueurs doses et les methodes d’analyse, (ii) les secteurs d’activite professionnelle ou il y a peu ou pas de donnees disponibles, (iii) l’exposition a des substances anciennes ou recentes sur le marche, (iv) les pays ou les donnees sont disponibles. L’exemple des phtalates est assez edifiant. L’utilisation de phtalates dans l’industrie a change radicalement au cours de la derniere decennie en raison des restrictions reglementaires. Elle s’est accompagnee d’une forte diminution de l’exposition des travailleurs a d’anciens phtalates bien connus (DEHP, DnBP, etc.) dans l’industrie, mais a une exposition toujours presente dans certains secteurs comme celui des dechets et du recyclage. En revanche, les travailleurs peuvent etre exposes de facon significative a de nouveaux phtalates (DiNP, DPHP ou substituts comme le DINCH), pour lesquels on ne dispose quasiment pas de donnees de biosurveillance. Etude de biosurveillance de l’exposition au chrome hexavalent L’etude sur les expositions au chrome hexavalent (Cr (VI)) est le premier exemple de cette approche paneuropeenne de biosurveillance en sante travail. Elle reunit huit pays et prevoit de recruter 400 travailleurs dans des activites de traitement de surface au Cr (VI) (chromage, peinture, soudage) ainsi que 200 travailleurs non exposes. L’objectif est (i) de collecter de nouvelles donnees sur l’exposition actuelle au Cr (VI) en Europe et (ii) d’evaluer de nouveaux indicateurs biologiques de l’exposition (IBE), comme le Cr (VI) dans le condensat de l’air exhale et le Cr dans les globules rouges (RBC), en plus du classique Cr total urinaire. Ces donnees sur l’exposition seront completees par des donnees sur les biomarqueurs d’effets precoces (genetiques, epigenetiques, stress oxydant, inflammation). Par ailleurs, des prelevements atmospheriques et des prelevements dermiques seront realises en parallele pour aider a l’interpretation des resultats. La collaboration entre les differents partenaires, aux competences variees, a conduit a l’elaboration d’un protocole d’etude complet et d’une methodologie harmonisee pour la collecte, l’analyse et le traitement des donnees. Cette etude permettra d’obtenir des donnees plus completes et surtout comparables pour le processus decisionnel de l’UE. Developpement de valeurs guide de biosurveillance pour les travailleurs Les donnees issues des Revues scientifiques et les donnees d’etudes de biosurveillance sont utiles pour construire des valeurs guides. Ces valeurs guides de biosurveillance pour les travailleurs, proposees au sein du projet HBM4 EU (en anglais : Human Biomonitoring Guidance Values ou HBM-GVworker), sont equivalentes dans leur definition aux valeurs limites biologiques (VLBs) recommandees par l’Anses. Ce sont des valeurs sanitaires qui visent a proteger les travailleurs des effets nefastes lies a l’exposition a l’agent chimique considere, a moyen et/ou long terme et ce, pour une exposition repetee durant toute une vie de travail. La methode de derivation de ces HBM-GVworker est similaire a celle qu’applique l’Anses pour construire des VLBs, a quelques exceptions pretes. Elle repose de facon privilegiee sur une relation quantitative entre des concentrations de biomarqueur d’exposition et des effets sanitaires caracterisee dans des etudes de terrain chez les travailleurs (ou a defaut, et si pertinent, d’etudes en population generale). En l’absence de telles donnees, l’HBM-GVworker est calculee a partir d’une valeur limite d’exposition professionnelle (ou a defaut d’une autre valeur toxicologique de reference etablie). Enfin, en l’absence de donnees scientifiques permettant ces deux approches, l’HBM-GVworker est obtenue a partir de donnees toxicologiques animales. Les extrapolations et les incertitudes sous-jacentes a la derivation d’une telle valeur sont assorties d’un niveau de confiance. Le processus d’elaboration de ces valeurs inclut une consultation aupres des 28 pays participant au projet ainsi qu’aupres de l’Agence europeenne des produits chimiques (ECHA) et de l’Autorite europeenne de securite des aliments (EFSA) pour l’obtention d’un consensus au niveau europeen. Conclusion La biosurveillance des expositions professionnelles est un outil precieux pour ameliorer la prevention du risque chimique chez les travailleurs. Le projet europeen HBM4 EU impulse cette approche dans toute l’Europe de facon harmonisee, avec la production et la valorisation des donnees de biosurveillance et leur traduction en resultats utiles aux decideurs.
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