Codes in the Middle Ages
2019
Du point de vue de l’historien, le Moyen Âge occidental constitue le cadre d’une
evolution longue, ponctuee de fortes cesures, des materiaux, des formes et des modes de
production des codes et des normes. La difficulte d’apprehender leurs referents et leurs
expressions culturels est accentuee par le pluralisme juridique qui caracterise l’Occident
chretien apres la disparition de l’Empire romain. Elle est accrue par deux types d’approches
recentes : l’optique pluraliste qui consiste a concevoir l’existence du droit au-dela du cadre
etatique, et l’optique historiographique qui conduit a envisager la norme comme l’ensemble des
valeurs destinees a discipliner la societe medievale, que ces valeurs se soient ou non traduites
en regles formelles et qu’elles impliquent ou non des mesures de contrainte ou de sanction.
Du point de vue des penseurs medievaux, cette periode s’inscrit plus simplement dans
un « âge de la grâce » considere comme le dernier temps de l’histoire chretienne du salut :
« l’âge de la loi naturelle », assimile a l’etat d’innocence, avait ete suivi par « l’âge de la Loi »
que le peche originel avait rendue necessaire ; les evangiles etaient concus comme la recordatio
de la loi naturelle, au terme d’un parcours adapte a la capacite humaine de recevoir la loi apres
le peche originel. Dans cette histoire du salut qui se confond avec une histoire de la loi,
l’heterogeneite de la grâce ouvre sur une culture singuliere de la loi, qui trouve sa source dans
les liens construits par la doctrine chretienne avec l’Ancien Testament. De facon generale, le
systeme occidental des normes et le savoir contenu dans le texte sacre sont indissociablement
lies.
L’article vise en premier lieu a comprendre la facon dont ces normes chretiennes ont ete
construites ou ressaisies dans ce cadre « legal », en observant les formes et les conceptions
culturelles relatives a cette construction. Sources theologiques, codes de lois barbares (comme
le Domboc compile par le roi du Wessex Alfred le Grand a la fin du IXe siecle, qui traduit et
adapte la loi mosaique) – ou bibles moralisees de la fin du Moyen Âge, contribuent a definir la
culture chretienne comme une culture de l’« accomplissement » de la Loi ancienne.
Ces formes et ces conceptions, qui ont profondement evolue, temoignent aussi bien de
la presence du droit dans la culture (a partir du XIIe siecle, l’enquete judiciaire fournit un modele
methodologique aux differentes disciplines du savoir) que de la presence de la culture dans le
droit (la conciliation des auctoritates visee dans l’entreprise de codification du droit canonique
n’est pas sans lien avec les conceptions sur l’harmonie musicale, par exemple). Le phenomene
majeur que represente la naissance simultanee des droits savants au XIIe siecle est traite, dans
la seconde partie de l’article, sous l’angle de la convergence textuelle et methodologique entre
la theologie et le droit canonique.
Enfin, l’article montre que la science theologique, constituee comme telle a partir du
XIIe siecle et intellectuellement dominante a partir du XIIIe, a constitue un lieu specifique de la
production des normes. Elle entretient des liens complexes avec le droit, dont elle utilise le
langage et les instruments pour traiter, dans des formes culturelles originales, des cas difficiles
et ambigus dans tous les secteurs de la vie religieuse, politique ou sociale. Le premier
humanisme italien, comme mouvement culturel de rupture et de desacralisation de la science
du droit, allait prendre ces instruments pour cible.
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