Penser le droit avec Camus, ou le droit de l'Homme révolté

2020 
Le propos est de montrer que le principe de la neutralite axiologique du juge et donc de son jugement, d’origine revolutionnaire, a eu pour effet de ravaler le droit au rang d’un pur et simple instrument du pouvoir politique ; un pouvoir dont l’existence — et donc celle de sa loi (sa « positivite ») — depend, fondamentalement, de la possession effective de la force. Une situation qui est la consequence d’un choix ideologique auquel le positivisme, dominant de fait dans les facultes de droit, a donne une pseudo caution « scientifique ». Ainsi, l’immense majorite des juristes ont-ils cesse depuis longtemps de s’interroger sur « l’etre du Droit ». Une telle question ne pouvant, selon eux, qu’interesser des theoriciens ou philosophes dont les speculations n’ont en realite rien a voir avec le seul veritable droit : celui produit par les autorites politiques competentes (selon leur droit) et dont l’application peut etre assuree efficacement. Et pour les juges « dire le droit » ne pouvant avoir d’autre signification qu’appliquer, aussi fidelement que possible, ce droit, qui, passe de son lieu de production politique dans leurs mains, est cense s’etre deleste de tout contenu moral ou ethique. Un droit qui, pour ceux qui le mettent en oeuvre, est donc un objet sans mystere, conforme a ce qu’ils ont appris, d’une « evidence immediate ». Comment en effet douter de savoir ce qu’est le droit si l’on est un specialiste du droit ou meme un simple justiciable, alors que les normes etatiques sont omnipresentes et suivies d’indiscutables effets sur les esprits et sur les corps ? Une evidence en realite trompeuse et prejudiciable en ce qu’elle fait obstacle a toute reflexion critique. Alors que ce que croient connaitre les juristes professionnels dans leur ensemble et ce que « disent » les juges en « disant le droit », ce n’est rien d’autre, sous cette appellation, que la volonte politique dans sa forme normative. Pour qu’il en soit autrement, pour que le Droit existe en tant qu’objet et discipline autonomes, il faut au Juge qui est la seule autre source possible de legitimite normative dans la cite, ouvrir le droit et son office a une autre dimension que sa dimension politique de base, necessaire mais insuffisante. Et c’est a la recherche de cette ouverture que conduit la pensee du droit avec Camus penseur du sens de l’existence humaine dans lequel le droit, cree par des hommes pour des hommes afin de reguler leurs comportements sociaux, ne peut, raisonnablement, que trouver a s’inserer. Une ouverture qu’avec l’auteur de L’Homme revolte, il faut a la fois penser dans une certaine confrontation avec le pouvoir politique, et une preoccupation constante d’equilibre ; necessairement en tension, mais qui n’exclut pas la poursuite d’une certaine harmonie, d’une vision du Droit comme un art du vivre ensemble. Ce que dans le dernier chapitre de l’essai susvise, Camus philosophe et artiste,envisage avec la « pensee de Midi ».
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