Fractures vertébrales multiples : penser au ténofovir !

2016 
Introduction Le risque de fracture chez les patients infectes par le VIH est plus important que dans la population generale : l’action directe du VIH sur l’homeostasie osseuse, causant une osteoporose, n’est pas la seule cause a ce sur-risque. Une toxicite des anti-retroviraux peut s’y ajouter. Nous rapportons ici le cas d’un syndrome de Fanconi induit par les anti-retroviraux, revele par des fractures vertebrales multiples. Observation Un homme de 39 ans, infecte par le VIH depuis 1996, caucasien, traite par une tritherapie associant raltegravir, emtricitabine et tenofovir consultait pour des lombalgies basses et myalgies des cuisses d’aggravation progressive depuis 6 semaines, invalidantes, non soulagees par les antalgiques de palier 2 et les AINS. L’examen physique etait sans particularite, de meme que les radiographies standard du rachis. La NFS, l’ionogramme sanguin, l’EPP ainsi que la clairance de la creatinine (70 ml/min) etaient normaux. La charge virale etait indetectable et la numeration des CD4 a 1031/mm 3 . L’IRM du rachis lombaire montrait des hypersignaux STIR en bande des corps vertebraux avec hyposignal T1 de l’os sous-chondral faisant evoquer des fractures vertebrales lombaires de L1 a L5. L’osteodensitometrie trouvait un T-score a –2,5 au rachis. On notait par ailleurs une hypophosphoremie profonde a 0,37 mmol/L, une calcemie corrigee normale, une carence en 25-OH Vitamine D3 ( n Discussion Le cas presente est donc celui d’une cascade fracturaire vertebrale chez un patient de 39 ans n’ayant a priori comme facteur de risque de fragilite osseuse que l’infection chronique par le VIH. L’atteinte atypique, touchant uniquement l’os trabeculaire, sur tous les etages lombaires, a conduit a mettre en evidence une osteomalacie surajoutee, dans le cadre d’un syndrome de Fanconi. Le syndrome de Fanconi acquis traduit une atteinte tubulaire proximale, et doit faire evoquer une tumeur mesenchymateuse, un myelome multiple, un syndrome de Sjogren, mais egalement, une cause medicamenteuse, dont au premier rang les inhibiteurs nucleosidiques de la transcriptase inverse [1] . Ses manifestations osteo-articulaires sont celles de l’osteomalacie : fractures de fatigue ou fissures des cotes, du bassin, du col femoral essentiellement, ainsi que de rares cas d’osteonecrose aseptique de la tete femorale. Elles peuvent passer inapercues a la radiographie standard et justifier une scintigraphie osseuse ou une IRM centree sur les zones douloureuses. L’hypothese physiopathologique est celle d’une accumulation du tenofovir dans la cellule tubulaire proximale, responsable d’une inhibition de l’ADN polymerase γ des mitochondries entrainant une dysfonction de la chaine respiratoire oxydative puis une perte des fonctions de reabsorption des cellules tubulaires proximales [2] . Au maximum, peut survenir une necrose tubulaire aigue. Ces lesions peuvent etre reversibles apres l’arret du traitement, mais une degradation definitive de la fonction renale est possible, surtout en cas d’association au ritonavir ou d’insuffisance renale preexistante. Conclusion La survenue d’un evenement fracturaire chez un patient infecte par le VIH doit faire rechercher systematiquement une osteoporose, mais aussi un syndrome de Fanconi lie au tenofovir qui justifie alors son arret. Une surveillance reguliere de la bandelette urinaire, de l’ ionogramme sanguin, du bilan phospho-calcique ainsi que de la densitometrie osseuse est donc necessaire.
    • Correction
    • Source
    • Cite
    • Save
    • Machine Reading By IdeaReader
    2
    References
    0
    Citations
    NaN
    KQI
    []