La césarienne à vif : parlons-en !

2016 
Le texte ouvrant ce numero [1], et qui a ete le point de depart des articles qui suivent, fait mal aux professionnels qui le lisent ! Certains pourraient meme se dire que l’on nous raconte des histoires, que cela ne peut arriver, surtout en ces temps ou la medecine est si efficace et ou le traitement de la douleur prend une telle place. Pourtant, il faut le reconnaitre, chacun ou presque, parmi les professionnels de sante travaillant en obstetrique, a vecu ou a entendu parler de telles situations. Elles existent bien, et c’est la raison pour laquelle ce numero consacre a la cesarienne et a la douleur de cette intervention est totalement justifie. Fort heureusement, le ressenti de la douleur est exceptionnellement de l’intensite que l’on nous decrit ici. Ce n’est en aucune maniere un motif pour negliger l’existence de ce phenomene, mais il nous faut le replacer dans son contexte, en analyser les motifs et essayer de modifier les pratiques pour que de telles douleurs extremes soient, tres bientot, considerees comme une situation d’une autre epoque. La douleur au cours de la cesarienne n’est heureusement le plus souvent pas aussi intense que celle decrite dans le texte de Moulin [1]. Il peut s’agir de sensations non douloureuses mais surprenantes et inquietantes, car inconnues et inattendues, laissant imaginer qu’elles vont (ou peuvent) s’intensifier et devenir un veritable phenomene douloureux. Dans l’immense majorite des cas ou une douleur est percue, elle est moderee ou faible, transitoire et prise en charge. L’anesthesiste-reanimateur dispose de differentes strategies therapeutiques pour faire cesser ou tout du moins amoindrir la douleur si celle-ci est survenue malgre ce qui a deja ete fait. Exceptionnelles sont les situations de cesarienne « a vif », et tous les professionnels de sante doivent s’opposer a leur survenue et ne pas les accepter, quel qu’en soit le motif. Rien ne peut justifier une telle situation, et l’acceptation de cette situation traduit une incomprehension de l’anesthesie obstetricale et un manque preoccupant d’empathie. Souvent, l’urgence extreme est l’excuse, mais aucune strategie de prise en charge ne peut admettre qu’un tel phenomene extreme devienne un effet indesirable acceptable. Aucune etude n’a pu demontrer que l’imperatif de securite (maternel ou surtout fœtal) justifie une telle horreur. Chez nos collegues anglosaxons, la regle classique est que le delai decision–extraction soit inferieur a 30 minutes en cas de cesarienne « urgente » [2]. En France, aucune limite de temps n’a emerge des textes professionnels, reglementaires ou des conclusions medicojudiciaires. Cependant, l’imperatif de securite (fœtal surtout) ne doit jamais exclure la mere de la decision et du choix therapeutique. Scientifiquement, il n’existe aucune preuve montrant que retarder l’incision de quelques minutes engage le pronostic vital de facon pejorative et justifie l’incision a vif. Bien au contraire, Huissoud et al. ont montre qu’en fonction des organisations obstetricales et du type de centre perinatal (obstetricien sur place ou non notamment) le delai entre l’indication et la realisation d’une cesarienne tres urgente peut varier entre 13 et 35 minutes sans que le pronostic neonatal en soit globalement modifie [3]. Ces donnees ont ete validees par de nombreuses autres etudes [4–6]. Dans l’esprit de nombreux obstetriciens, chaque minute compte, et perdre du temps engage un peu plus le pronostic neonatal. Pourtant, debuter (ou poursuivre) l’acte chirurgical en presence d’une douleur maternelle indique que l’obstetricien(ne) agit en privilegiant le nouveau-ne au detriment de la mere, sans ameliorer le plus souvent le pronostic neonatal. Comme indique plus haut, ce choix est en general inutile, et l’urgence, quelle qu’en soit sa modalite, ne doit pas conduire a choisir une telle priorite. Souvent, l’experience de l’obstetricien(ne) est la cle de la serenite soit grâce a l’anticipation (l’intervention decidee un peu plus tot permet de minimiser le stress de l’equipe et d’eviter la douleur), soit par la connaissance du lien faible entre pronostic neonatal et delai d’extraction. L’exemple qui nous est donne (dans le texte de Moulin [1]), celui d’une extraction consideree comme tellement D. Benhamou (*) Departement d’anesthesie-reanimation, faculte de medecine ParisSud, hopital Bicetre, 78 rue du General Leclerc, F-94270 Le Kremlin-Bicetre e-mail : dan.benhamou@aphp.fr
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