Droits des images, histoire de l’art et société.

2018 
Ce rapport, qui fait etat d’une etude effectuee entre septembre 2017 et septembre 2018, s’inscrit dans le programme de recherche Images/Usages, mene par l’Institut national d’histoire de l’art a la demande et avec le soutien du Comite Culture de la Fondation de France. Il a ete redige entre juillet et septembre 2018. Ne d’un constat alarmant, celui de l’impact negatif des regimes financiers actuels de diffusion des images patrimoniales sur la production en histoire de l’art et sur les differents modes de valorisation du patrimoine culturel, il a pour objectif de dresser un etat des lieux de la question, de presenter des modeles de bonnes pratiques et de faire des propositions susceptibles de servir a une amelioration de la situation. Le sujet, complexe, inclut dans son perimetre non seulement des aspects techniques, juridiques, economiques, politiques et culturels, mais egalement, une situation francaise indissociable de la situation internationale - l’histoire de l’art, l’archeologie, les activites patrimoniales sont par essence le lieu de la diversite des cultures et s’exercent dans un environnement qui ne connait pas les frontieres nationales (Partie IV). Il recouvre une grande partie des activites relevant de la recherche, de l’edition scientifique, de l’enseignement en histoire de l’art, de la gestion et de la valorisation des collections patrimoniales, mais aussi, plus largement, des secteurs commerciaux qui y sont lies : edition d’art, presse d’information, metiers de l’image et de l’illustration. Il inclut egalement aujourd’hui un certain nombre de pratiques culturelles qui emergent dans la societe, generees par les technologies numeriques et par les possibilites du web (Partie V). Il etait donc essentiel de resserrer cette etude autour de la pratique des images en histoire de l’art, et de leur confrontation avec l’environnement legislatif et juridique dans lequel elles s’exercent (Parties I-III), tout en donnant un apercu des initiatives qui se developpent, de la part des institutions et des non- professionnels, pour en favoriser les usages libres et gratuits (Partie IV, Partie V). La Partie I, qui expose les principaux elements du cadre contextuel legislatif et juridique, nous a semble une ouverture essentielle, en raison de la difficulte frequemment exprimee lors des consultations a avoir acces a une approche claire et globale de la question. Disons-le d’entree de jeu, il apparait, a l’issue du depouillement de la documentation, des entretiens, des reponses de questionnaire, comme de la veille active menee sur internet et sur les reseaux sociaux, que les difficultes de l’acces aux images d’œuvres d’art qui affectent depuis longtemps le travail des historiens d’art, et les tensions qu’elles generent, ont aujourd’hui acquis une veritable portee sociale englobant nombre d’aspects, comme la diffusion des savoirs, la mission culturelle des musees et institutions detentrices de collections, la modernisation de leur cadre d’emplois, leur role potentiel de ciment social ou la validite de leur modele economique face au monde actuel. Notre enquete s’est situee, en premier lieu, dans un contexte marque par une actualite particulierement evolutive, ponctuee de debats et de jurisprudences sur le droit d’auteur, ses differentes exceptions (d’information, pedagogique, de panorama....), en France et en Europe. Une semaine avant l’achevement de ce texte, nous menions encore des consultations, et les resultats du deuxieme vote du parlement europeen sur la directive “Copyright” (12 septembre 2018) venaient juste d’etre connus. Cette actualite releve pour une large part des transformations du contexte general dues a la democratisation d’internet et a la place prise aujourd’hui par les moyens de diffusion numeriques dans tous les aspects de la vie sociale et professionnelle : roles nouveaux de l’image comme outil scientifique et culturel - qui est en train de transformer en profondeur la discipline histoire de l’art - (Partie II), nouvelles pratiques collaboratives et participatives entendues comme leviers de progres, explosion des licences libres, politiques publiques d’ouverture des donnees, positionnement des institutions culturelles sur Internet. La periode actuelle nous est en particulier apparue comme un champ ouvert parcouru de tensions entre les innovations de la culture numerique, communes a un nombre croissant de disciplines, et des systemes culturels, administratifs legislatifs ou commerciaux qui peinent a penser les changements, ou qui ne s’adaptent pas a une vitesse suffisante pour eviter crises et dysfonctionnements. C’est la le signe d’un terrain qui se transforme, bien que de maniere encore trop episodique, et si ce rapport n’a pas vocation a etre un manifeste, il a cependant comme vocation premiere de relayer les positions des chercheurs, enseignants, etudiants, specialistes du numerique, responsables de collections patrimoniales ou editeurs concernes par cette transition, dont nous avons reproduit verbatim une selection representative de commentaires dans la Partie III. Deux grands ensembles incarnent, en France comme dans de nombreux autres pays, la question de l’acces aux images du patrimoine : les œuvres relevant du regime du domaine public et celles qui relevent du droit d’auteur (ou droit patrimonial) (Partie I). Les premieres sont sorties du perimetre du droit d’auteur par l’action du temps : entrer dans le domaine public signifie aussi sortir du droit patrimonial. Rappelons que cette disposition, de meme que les exceptions qui l’accompagnent dans la loi, a ete etablie pour faire vivre le patrimoine culturel en autorisant les processus de reprise qui alimentent savoir et creation. Les secondes sont protegees, afin d’assurer une juste retribution de la creation pour leurs auteurs et ayants-droit. L’approche de ces deux ensembles se doit d’etre radicalement differente : les questions legitimes qui se posent sur l’ouverture des images du domaine public ne s’appliquent pas aux images sous droits, pour lesquelles la marge de manœuvre porte sur l’application eventuelle d’exceptions comparables a celles qu’autorise le Fair Use etatsunien, mais dans un contexte juridique profondement different. La recherche et la publication en histoire de l’art, la mise en valeur des collections publiques ont un cout : comment les faire vivre, particulierement en ce qui concerne les etudiants et jeunes chercheurs, dans un contexte de diffusion ou les tarifs des reproductions, trop souvent assumes par les professionnels eux-memes, ne correspondent pas a leurs besoins ? Comment mettre en valeur l’art francais contemporain si chercheurs et musees travaillent dans l’incertitude, sous la menace permanente de recours ? Ces grandes questions, qui remontent de la serie d’entretiens menes, des 240 reponses au questionnaire en ligne destine aux enseignants et chercheurs en histoire de l’art et en arts plastiques ainsi que de reunions ou de conversations informelles, tracent une ligne droite entre les pratiques du savoir et la mise en valeur des collections patrimoniales francaises, mais elles vont meme au-dela. Le rayonnement culturel de la France, l’attractivite de son patrimoine ne peuvent prendre pied sur l’autocensure des chercheurs, les tactiques de contournement ou sur une incertitude generalisee des professionnels quant a la legitimite de leurs pratiques. Nous avons essaye de clarifier un paysage confus et encore assez mal connu, dont il etait impossible de traiter en detail tous les aspects. Nous renvoyons pour un certain nombre de sujets a plusieurs articles, rapports ou publications de qualite parus ces dernieres annees et dont les constats plus orientes sur les aspects techniques, economiques et juridiques, sont toujours valides. De maniere significative, nous en rejoignons l’essentiel des preconisations.
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