La géographie animale française et sa trajectoire dans l’appréhension des territoires plus qu’humains

En general, quand l’on pense aux etudes animales en France,la geographie ne vient pas a l’esprit. Par exemple, dans son ouvrage Que diraient les animaux si on leur posait les bonnes questions ?, Vinciane Despret1 s’etonnait que des geographes americains aient pu s’interesser a des questions de zoophilie. Dans ses souvenirs du secondaire, la geographie se resumait « avant tout a quelques affaires fastidieuses de cartes, de repartitions de zones, de couches geologiques, de montagnes et de cours d’eau » et elle ne s’attendait nullement a ce qu’elle puisse s’interesser aux rapports, ici sexuels, entre etres humains et animaux. Pourtant, meme si les travaux de geographes sur les animaux sont encore meconnus, cela fait maintenant environ 20 ans qu’ils sont engages dans le « tournant animal » et proposent des reflexions sur ces « exclus » des sciences humaines et sociales. Cependant, cette prise en compte a ete difficile et reste encore mal connue. Elle est neanmoins plus que jamais necessaire. Du cote de la geographie, ignorer les animaux non humains c’est renoncer a comprendre la territorialisation, cette appropriation des espaces qui a toujours conduit a l’eviction ou a la domination d’autres humains mais aussi de non-humains. C’est egalement oublier que la plupart des echanges economiques alimentaires ont des incidences directes ou indirectes sur les animaux non-humains, par la transformation de leur habitat, leur reproduction, leur elimination et leur commercialisation. Enfin,ce serait ignorer l’une des composantes de l’Habiter, ce rapport que nous avons a notre espace. Du cote des questions animales, ignorer la geographie, c’est perdre de vue des cles de comprehension fondamentales quant a la repartition et la diffusion des animaux non-humains, mais surtout a la differenciation de leur apprehension d’un territoire a l’autre. Si nous resumions notre conviction nous dirions qu’il n’y a pas de geographie sans animaux et pas de question animale sans geographie. Le present texte propose, dans un premier temps, une breve retrospective de la prise en compte de l’animal au sein de la geographie francaise et, dans un second moment, une reflexion sur les questions posees par l’animal a cette discipline. Bien que l’animal ait pu etre traite ponctuellement au sein de la geographie classique francaise, notre propos se limitera aux travaux geographiques contemporains a l’emergence des etudes animales, autrement dit des annees 1990 a nos jours, ce qui nous semble plus coherent avec le cadre de reflexion propose dans cet ouvrage. Pour les travaux anterieurs, les lecteurs interesses pourront se referer aux ecrits de Farid Benhammou, seul, ou en association avec Philippe Sierra.