Usages des catégories de l'altérité: quelle imbrication des dimensions nationale, micro-locale et ethno-raciale chez des descendants d'immigrés dans des quartiers de Paris et Berlin ?

2019 
Cette contribution s’interesse a la mobilisation et a l’imbrication de marqueurs en lien avec le quartier de residence et les categories nationales et ethno-raciales chez des descendants d’immigres en France et Allemagne. La comparaison de ces deux pays aux histoires et aux traditions differentes d’immigration, de construction de la citoyennete, d’integration et de designation des minorites (Brubaker 1998, 2001 ; Kastoryano 2002) est particulierement interessante : elle permet de degager le role joue par le « regime de citoyennete » et par les categories institutionnelles dans la maniere dont les acteurs vivant dans des quartiers stigmatises se designent et designent les autres. La dimension du quartier permet de nuancer la conception monolithique du modele national et de son effet. Nous mobilisons l’approche theorique multi-niveaux de Wimmer (2008 ; 2013) sur la construction de frontieres ethno-raciales et de Lamont (2013) sur l’influence des repertoires culturels dans les reactions a la stigmatisation. Au total, 140 entretiens ont ete menes avec des descendants d’immigres dans quatre quartiers concentrant des difficultes sociales a Paris et Berlin. Les entretiens ont permis de retracer leurs parcours scolaire et professionnel tout en thematisant leur lien au quartier. 40 entretiens ont ete egalement menes avec des experts dans chaque quartier. Dans le contexte francais color blind, le deni de la question ethno-raciale et la perpetuation de discriminations en lien avec l’origine, participent a faire emerger dans les recits des descendants d’immigres des marqueurs d’alterite ethno-raciaux. Les marqueurs presents en France dans les discours des jeunes renvoient souvent a la couleur de peau, au (pre)nom. Ceci n’est pas le cas en Allemagne ou la nationalite (la demarcation Allemand/etranger) a ete et reste encore un marqueur puissant et clair de frontiere (Alba 2005), repris par les enquete.e.s. Nous constatons une forte imbrication des categories ethno-raciales aux categories liees au quartier de residence en France. Notre analyse des experiences d’alterite et de discriminations montre que, chez certain.e.s en France, ces categories peuvent etre pratiquement interchangeables. Ici, la situation sociale du quartier et les stigmates qui lui sont rattaches contribuent a la racialisation des jeunes qui y resident. Meme s’ils deplorent dans les deux pays la stigmatisation du quartier, celui-ci est moins present comme marqueur identitaire dans les discours des jeunes adultes en Allemagne. L’identification a la ville de Berlin passe avant l’identification au quartier, ce qui permet aussi de depasser le stigmate du quartier immigre socialement defavorise. En Allemagne, les personnes enquetees font reference au fait qu’elles sont vues comme « etrangeres » et se designent elles-memes comme etrangeres. Dans notre contribution, nous developperons ces differents points en nous appuyant sur notre materiau empirique et sur les travaux actuels dans chaque pays.
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