L’usage en français du mot anglais « sentience » est-il pertinent ?
2018
Depuis Aristote les animaux sont consideres comme des etres sensibles, ce qui a ete reconnu sur le plan juridique dans le code rural en 1976 puis le code civil en 2017. Par ailleurs, les philosophes du XVIIIe siecle ont introduit le concept de «sentience» – la capacite de ressentir – pour l’opposer a la raison – la capacite de penser–. Cette notion s’est precisee ulterieurement entre les mains des philosophes de l’esprit anglo-saxons pour exprimer la capacite d’eprouver des experiences subjectives («qualia», «conscience phenomenale»), un concept clair et relativement «simple» mais que seule l’introspection permet d’approcher. En depit de cette difficulte ontologique, certains penseurs en ethique animale souhaitent introduire ce concept dans la langue francaise, sans s’interroger sur sa polysemie qui, deja, brouille sa signification dans la litterature anglophone. En effet, la «sentience» englobe selon les auteurs les sensations, les perceptions, les emotions, les affects, les sentiments, la cognition, la conscience, etc. Chacun de ces termes etant polysemique et appartenant a la fois aux champs philosophiques et scientifiques, le terme generique apparait comme un fourre-tout semantique oberant toute approche raisonnee. Pour s’en convaincre, il suffit d’envisager la confusion qu’entrainerait le remplacement de l’affirmation «l’animal est un etre sensible» par «l’animal est un etre sentient». Sur le plan legislatif, il serait source de regrettables malentendus. Soulignons en outre le piege semantique que dissimule l’utilisation de l’article defini et du singulier, negligeant ainsi l’extraordinaire diversite du monde animal qui s’est epanouie dans l’espace – notre planete – et le temps – 600 millions d’annees –.
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