Le rôle de l’agriculture dans le métabolisme urbain de Ouagadougou (Burkina Faso) : un modèle face à ses limites

2017 
L’urbanisation est croissante a l’echelle mondiale et les pays en voie de developpement, comme le Burkina Faso, y sont particulierement confrontes, d’autant plus qu’a l’exode rural s’ajoute une augmentation exponentielle de leur population depuis trois decennies. Cette situation a pour corollaire la densification de l’espace urbain et l’intensification de la pauvrete d’une frange croissante des menages urbains qu’exacerbe une crise economique persistante. L’urbanisation entraine aussi une production importante de dechets domestiques et industriels, dont la prise en charge reste un probleme recurrent pour les municipalites. Dans les villes africaines, la pauperisation des citadins s’accompagne d’une insecurite alimentaire qui pousse de nombreux citadins a pratiquer une agriculture qui prend la forme de productions vegetales (vivriere et horticole) et de petits elevages (Mougeot, 2006). Les productions qui en resultent occupent une place croissante dans l’economie des menages les plus fragiles, dans l’approvisionnement de la ville aussi. Elles devancent les productions importees des zones rurales et de l’etranger, notamment pour les produits perissables comme les legumes feuilles, les fruits, etc. (Dongmo et al., 2005 ; Temple et Moustier, 2004). Le sous-developpement des transports et l’inefficacite du systeme de commercialisation des produits agricoles ont en effet augmente l’importance de cette agriculture urbaine. Ouagadougou, capitale du Burkina Faso, est particulierement concernee : les surfaces agricoles ont progresse de 255 %, entre 1996 et 2009 (Kedowide, 2011). Malgre tout, dans cette ville, l’agriculture se heurte a des difficultes. En raison d’un sol pauvre (affleurement lateritique) et d’un climat sec, elle est fortement dependante de la ressource en eau et des amendements organiques (Kedowide et al., 2010). Or, elle est surtout pratiquee par les populations les plus pauvres qui utilisent les ressources les plus accessibles (en terme de cout et de proximite geographique). Comment l’agriculture s’insere et se maintient-elle alors a Ouagadougou ? Quel role joue-t-elle ? Dans le cadre d’un programme de recherche finance par le Reseau National des Maisons des Sciences de l’Homme – AURA (Agriculture urbaine en Afrique) –, nous nous sommes interesses aux relations qu’entretiennent l’agriculture et la ville de Ouagadougou, en termes de pratiques, de production et en interrogeant particulierement le role de l’agriculture dans l’assainissement de la ville. Nous avons realise des observations et des releves de terrain sur deux sites de maraichage, agriculture la plus rependue dans l’agglomeration de Ouagadougou. Nous les avons associes a des entretiens menes aupres de responsables burkinabe et surtout de Ouagalais rencontres sur les sites selectionnes. Les premiers resultats de cette recherche, qui seront presentes dans cette communication, montrent le role majeur du maraichage a Ouagadougou : il se revele etre une activite essentielle a la ville. Il est en effet au cœur d’un secteur economique et social important, au-dela des cultivateurs, depuis les fournisseurs de graines et de plants jusqu’aux revendeurs de recoltes, en passant par les pousseurs et porteurs. Au dela de l’approvisionnement de la ville en denrees alimentaires, cette agriculture joue un role en matiere d’assainissement, par la reutilisation des eaux usees et des dechets (sacs plastiques pour les pepinieres, dechets organiques pour la fertilisation, dechets vegetaux pour le paillage, etc.). Parfois, les cultures se font directement dans des zones de decharge. Cette agriculture urbaine participe ainsi fortement au metabolisme urbain et se revele precurseur en la matiere a l’heure ou, dans les pays du nord, on reflechit a des solutions pour privilegier un fonctionnement en boucle fermee de la ville. A Ouagadougou, ceci ne procede toutefois pas d’une volonte organisee d’assainissement de la ville par la puissance publique. En effet, l’agriculture urbaine ne recoit pas de soutien, ni d’accompagnement de la part des pouvoirs publics ; au contraire, elle est condamnee par les autorites. Elle ne fait pas partie des choix possibles pour l’amenagement urbain dans des pays ou « le beton figure la modernite » (Gueye et al., 2009). Les acteurs evoquent surtout les points negatifs, dont les pollutions environnementales engendrees (ensablement des sources d’eau pour les parcelles proches de barrages ou de canaux ; utilisation importante de produits chimiques ; recours a des eaux insalubres), et ils denoncent les problemes de sante publique, lies a la reutilisation des dechets et des eaux usees. Dans l’etat des lieux dresses pour le Schema Directeur d’Amenagement du « Grand Ouaga » (AAPUIARDCADE, 2009), on reconnait bien la place majeure occupee par le maraichage mais on souligne « on pourrait se poser des questions sur la qualite des eaux utilisees sur certains sites de maraichage ». Ce probleme, bien reel, limite la portee de ce modele comme apport de l’agriculture au metabolisme urbain. Malgre tout, bien que critiquee, l’agriculture urbaine est omnipresente a Ouagadougou. Les pouvoirs publics ont adopte le « laisser faire ». L’agriculture urbaine est bien arrangeante, dans la mesure ou ces terres cultivees representent une reserve fonciere facilement mobilisable dans un contexte d’expansion et de densification urbaines.
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