Étude de cohorte sur les fonctions neurocomportementales de travailleurs 14 ans après la fin de l'exposition au manganèse

2007 
L'inhalation de particules de manganese (Mn) peut causer des effets neurotoxiques qui se manifestent par des alterations des fonctions neurocomportementales, nommement des symptomes psychologiques et des deficits cognitifs et moteurs. Une premiere etude fut menee en 1990 sur les fonctions neurocomportementales de travailleurs exposes au Mn dans une usine de production d'alliages ferro-Mn et silico-Mn; des hommes cols bleus non-exposes au Mn servirent de groupe de comparaison (referents). Pour chaque travailleur, l'exposition aux poussieres et aux fumees de Mn dans l'air au moment de l'etude a ete estimee et un indice d'exposition cumulee sur toute la duree d'emploi dans l'usine a ete calcule. L'usine a arrete ses operations quelques mois apres la fin de cette etude, mais cette fermeture n'etait pas liee aux resultats de l'etude. Dans la premiere partie de la these, l'objectif etait d'examiner l'effet modificateur de l'âge dans les alterations neurocomportementales. L'analyse des donnees appariees (74 paires) a montre que les differences de scores aux tests neurocomportementaux entre les travailleurs exposes au Mn et les referents (ces differences representant l'effet du Mn) augmentaient significativement avec l'âge pour la memoire, la concentration, la flexibilite cognitive, la stabilite des mains et la sensibilite tactile. L'âge n'etait pas associe a la concentration de Mn dans l'air au moment de l'etude, ni a l'exposition cumulee, indiquant que les deficits plus prononces les travailleurs plus âges ne peuvent pas etre expliques par une exposition superieure chez ces derniers. Ces resultats indiquent que, a exposition egale, les travailleurs plus âges sont davantage affectes que les plus jeunes par les effets du Mn sur certaines fonctions nerveuses. Pour la seconde partie de la these, nous avons mene une etude de suivi aupres de 78 anciens employes de l'usine et 81 referents afin de verifier le degre de reversibilite ou d'aggravation des atteintes neurofonctionnelles 14 ans apres la fin de l'exposition. Les travailleurs ayant ete exposes au Mn ainsi que les referents ayant accepte de participer a l'etude de suivi ont complete une batterie de tests similaire a celle utilisee en 1990. Nous avons emis l'hypothese que ces atteintes s'aggraveraient avec le temps, et qu'elles seraient donc plus marquees au moment du suivi (2004) que lors de l'etude initiale (1990). En effet, la progression des signes neurologiques a ete rapportee lors d'etudes longitudinales portant sur des travailleurs gravement intoxiques au Mn, ainsi que des travailleurs exposes a d'autres substances neurotoxiques, notamment les solvants organiques et le plomb. Globalement, les resultats indiquent que la performance pour plusieurs des tests que les travailleurs exposes avaient moins bien reussi en 1990 n'etait pas differente entre les exposes et les referents en 2004. Neanmoins, les deficits de vitesse motrice (membres superieurs) observes en 1990 etaient toujours presents en 2004. Par ailleurs, les travailleurs ayant ete exposes au Mn et qui etaient âges de plus de 45 ans lorsque l'exposition a cessee ont obtenu une performance significativement inferieure aux referents d'âge similaire a trois tests de flexibilite cognitive. Ensuite, pour certains tests moteurs et cognitifs, la performance etait significativement et inversement associee a l'exposition cumulee au Mn. En somme, les resultats revelent deux trajectoires possibles : i) un maintien des deficits, ou ii) une recuperation des fonctions, particulierement pour les moins exposes. L'hypothese d'aggravation des deficits n'a donc pas ete retenue, mais un autre suivi de la cohorte a un âge plus avance (ici, l'âge moyen etait 57 ans au moment du suivi) serait souhaitable pour connaitre l'evolution des fonctions neurocomportementales en fonction de l'exposition au cours du vieillissement. Ensuite, un questionnaire portant sur les symptomes neuropsychiatriques a ete ajoute a la batterie de tests administree en 2004 afin d'examiner plus profondement ce domaine neurofonctionnel. En effet, certaines donnees dans la litterature indiquent que les questionnaires de symptomes neuropsychiatriques sont particulierement sensibles aux effets du Mn sur le systeme nerveux. Le resultat des analyses a montre une relation significative entre l'exposition cumulee au Mn et les scores aux echelles Somatisation, Depression, Anxiete et Hostilite. Les travailleurs dans les deux tertiles superieurs d'exposition cumulee avaient un risque significatif d'avoir un score eleve aux echelles Hostilite, Depression et Anxiete. Ces resultats suggerent que l'exposition cumulee au Mn est associee a la gravite des symptomes neuropsychiatriques jusqu'a 14 ans apres la fin de l'exposition. Nos travaux ont mis en evidence la vulnerabilite des travailleurs plus âges aux effets neurotoxiques du Mn. Le suivi de cette cohorte de travailleurs plusieurs annees apres la fin de l'exposition a montre un portrait complexe de changements des atteintes neurofonctionnelles, ou certaines atteintes sont partiellement reversibles, particulierement chez les moins exposes, alors que d'autres atteintes persistent, particulierement chez les plus âges. Nous estimons que la possibilite de recuperation neurofonctionnelle apres la fin de l'exposition devrait encourager les mesures de reduction des concentrations de Mn dans les milieux de travail concernes par ce risque. En meme temps, la persistance de certaines atteintes associees a l'exposition au Mn, et cela jusqu'a 14 ans apres la fin de l'exposition, montre l'importance de prevenir celles-ci. Il semble que l'exposition cumulee a ce metal soit determinante dans l'apparition des signes de neurotoxicite. La concentration de Mn dans l'air de l'usine ou etaient employes les travailleurs a l'etude ici respectait la norme d'exposition, norme toujours en vigueur aujourd'hui. L'exposition cumulee au Mn etait en deca de 100 mg/m3 x annee et a neanmoins ete associee a des effets nefastes durables sur certaines fonctions neurocomportementales. Or, un travailleur expose a la valeur maximale legalement admise pendant 35 ans aurait un indice d'exposition cumulee encore plus eleve, soit de 175 mg/m3 x annee, ce qui suggere que la norme actuelle d'exposition ne protege probablement pas la sante de tous les travailleurs. ______________________________________________________________________________ MOTS-CLES DE L’AUTEUR : manganese, travailleurs, neurotoxique, neurocomportemental, exposition cumulee
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