Des nodules inflammatoires compliquant les injections d’acide hyaluronique sur un terrain auto-immun : à propos de 2 observations

2018 
Introduction L’acide hyaluronique (AH) est un produit de comblement injectable de plus en plus repandu pour ses qualites exceptionnelles de volumetrie. Il peut rarement induire la formation de nodules inflammatoires, souvent de mecanismes immunologiques complexes et mal elucides. Nous en rapportons 2 observations, survenant dans un contexte d’auto-immunite. Observation Observation 1 : Une femme de 47 ans, ayant une hypothyroidie auto-immune depuis plus de 20 ans, bien equilibree sous traitement, se presentait avec un œdeme aigu et persistant des levres et des sillons nasogeniens. Elle avait eu 4 mois auparavant pour la premiere fois une seance d’injection d’AH moyennement reticule d’origine non animale, au niveau de ces memes sites. L’interrogatoire ne relevait pas de prise medicamenteuse particuliere precedant la symptomatologie. L’examen clinique revelait la presence d’un œdeme non inflammatoire des levres et des sillons nasogeniens associe a des lesions nodulaires infracentimetriques palpables non douloureuses au niveau de la levre blanche superieure. Le reste de l’examen somatique etait sans anomalie, ne montrant pas en particulier de signes infectieux ni de signes de dysthyroidie ou d’autres maladies auto-immunes. La biopsie cutanee etant refusee par la patiente, une corticotherapie generale etait entamee, sans preuve histologique, a la dose de 1 mg/kg/jour de prednisone avec une degression de 5 mg tous les 5 jours. L’evolution etait favorable avec une regression complete de l’œdeme et affaissement partiel des nodules sous-cutanes, sans phenomene de rebond a l’arret du traitement. Observation 2 : Une femme de 45 ans, sans antecedents connus, ayant eu 3 jours auparavant une injection faciale d’AH fortement reticule, reconsultait pour l’apparition de nodules rouges, chauds, tres douloureux et labiles le long des sites injectes. L’examen clinique objectivait 2 formations nodulaires sous-cutanees, oblongues, d’aspect inflammatoire, de consistance ferme, sensibles a la palpation, situees au niveau du sillon nasogenien gauche. Le reste de l’examen etait sans anomalie. A la biologie, elle avait un syndrome inflammatoire modere avec des anticorps antinucleaires (AAN) fortement positifs (1/1600, d’aspect homogene) et des anticorps (Ac) antithyroidiens positifs sans anomalie du bilan hormonal thyroidien. Plusieurs cures prolongees d’antibiotiques a des doses efficaces (cefixime, acide fusidique, ciprofloxacine et clarithromycine) etaient inefficaces. L’etiologie inflammatoire des nodules etait vraisemblable, motivant la mise de la patiente sous corticotherapie generale (1 mg/kg/jour de prednisone), apres echec des injections locales repetees d’hyaluronidase et de corticoides retard. L’evolution etait marquee par une regression complete des nodules avec toutefois des rebonds inflammatoires frequents lors de la degression, qui s’est etalee sur 14 mois. Discussion Les nodules inflammatoires compliquent rarement les injections dermiques d’AH, mais sont classiquement d’apparition retardee (1 a 12 mois). Le role des biofilms bacteriens semble peu probable dans les 2 cas, etant donne l’echec des antibiotherapies prolongees, l’evolution favorable sous corticotherapie generale et surtout le delai tres precoce de la survenue des nodules chez la 2 e patiente. Il s’agirait plutot d’un mecanisme immunologique, a travers une reaction d’hypersensibilite a minima au produit injecte. Quoique l’AH est theoriquement non immunogene, certains produits biosynthetiques peuvent contenir des traces de contaminants proteiques lies au processus de fermentation bacterienne. Cette hypothese immunitaire expliquerait la survenue plus frequente de ces nodules inflammatoires sur un terrain d’auto-immunite, comme le cas de nos 2 patientes. La positivite des auto-Ac fait egalement suspecter un syndrome auto-inflammatoire/immun declenche par l’injection d’AH. Il s’agit d’une nouvelle entite recemment decrite, dont certains cas rapportes se sont d’abord manifestes par des nodules puis auraient evolue des mois plus tard vers une maladie systemique. Toutefois, l’apparition precoce des nodules et des signes biologiques, surtout chez la 2 e patiente, est contre ce diagnostic (delai moyen de 13,7 mois), de meme que la frequence de positivite des AAN et des Ac antithyroidiens chez la population generale. Un suivi prolonge serait tout de meme justifie. Conclusion Nos observations incitent a la prudence quant aux injections d’AH sur un terrain auto-immun.
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