Azathioprine : une cause réversible de cholestase gravidique au cours du lupus systémique

2018 
Introduction L’azathioprine est l’immunosuppresseur le plus utilise chez les femmes enceintes ayant un lupus systemique. A notre connaissance, la survenue de cas de cholestase gravidique induite par des medicaments n’a jamais ete rapportee. Nous decrivons ici une observation suspecte de cholestase gravidique liee a l’azathioprine et nous etudions cette association chez les patientes incluses dans l’etude observationnelle prospective du GR2. Patients et methodes Nous avons pris en compte les patientes incluses dans l’etude du GR2 avant le 31/01/2018, atteintes d’un lupus systemique (4 criteres ACR), et pour lesquelles les donnees de suivi de la grossesse etaient completes. Les parametres etudies etaient une exposition a l’azathioprine en cours de grossesse et la survenue d’une cholestase gravidique, renseignee dans les complications par les investigateurs. Resultats Cas index : Une jeune femme lupique de 30 ans developpait a 26 semaines d’amenorrhee (SA), un prurit generalise extremement intense, insomniant, predominant sur les paumes et les plantes. Elle etait traitee par prednisone 5 mg/j, hydroxychloroquine 400 mg/j et azathioprine 150 mg/j (posologie : 2,2 mg/kg/jour au moment de la cholestase). La biologie confirmait une cholestase gravidique (ASAT 1,3 N, ALAT 2,2 N, GGT normales) avec des acides biliaires particulierement eleves a 325 μmol/L ( n Le dosage des metabolites de l’azathioprine montrait une augmentation de la 6 methylmercaptopurine (6-MMP : 10298 pmol/8,10E8 GR ( n n  : 3–35), alors que le dosage de l’activite thiopurine methyltransferase (TPMT) temoignait d’un phenotype normal de metabolisation. L’azathioprine etait interrompue a 29 SA + 1 jour, permettant une regression complete des symptomes et une tres nette baisse du taux des acides biliaires (23,6 μmol/L a 29 SA + 5 jours), permettant l’arret de l’acide ursodesoxycholique. La patiente, alors asymptomatique, accouchait a 31 SA suite a une rupture prematuree des membranes. Analyse des donnees du GR2 : 217 grossesses chez 204 femmes ayant un LS ont ete analysees. Neuf cas (4,1 %) de cholestase gravidique etaient rapportes : 6 parmi 56 (10,7 %) grossesses menees sous azathioprine (dont la patiente index) et 3 parmi 158 (1,9 %) grossesses non exposees a l’azathioprine (3 donnees manquantes ; p  = 0,011 ; Odds Ratio  = 6,45 [intervalle de confiance a 95 % : 1,5–26,2]). La posologie moyenne d’azathioprine etait de 1,88 mg/kg (1,35–2,5) chez les femmes avec cholestase gravidique versus 1,76 mg/kg (0,66–2,8) chez les femmes sans ( p  = 0,55). Le terme de survenue de la cholestase gravidique etait de 31 SA + 3 jours (23–37) et le terme d’accouchement de 35 SA (31–38) chez les femmes avec azathioprine versus 33 SA (31–36) et 37 SA (33–38) respectivement, chez les femmes sans. Aucune mort fœtale n’a ete observee. Discussion La cholestase gravidique est la plus frequente des hepatopathies specifiques de la grossesse. Elle complique environ 1 % des grossesses et expose au risque de prematurite et de mort fœtale in utero. Le traitement repose sur les chelateurs des acides biliaires et la guerison est habituelle apres l’accouchement [1]. La cholestase gravidique est due a une accumulation des acides biliaires dans les hepatocytes sous l’influence de facteurs hormonaux (en particulier les œstrogenes) et de facteurs genetiques dont des mutations sur des genes codant pour des proteines impliquees dans les transports hepatobiliaires, en particulier la BSEP ( Bile Salt Export Pump ). Alors qu’a notre connaissance, aucune cause iatrogene de cholestase gravidique n’a ete rapportee jusque-la, l’imputabilite de l’azathioprine semble forte. Une hypothese serait celle de l’inhibition de BSEP par des taux eleves de mercaptopurine et/ou 6MMP, puisque ces derniers sont deja connus pour inhiber un autre transporteur d’efflux, MRP4. Une concentration anormalement elevee de 6MMP est d’ailleurs un facteur de risque connu de developper une hepatotoxicite sous azathioprine. L’azathioprine a ete arretee uniquement chez le cas index pour lequel l’origine iatrogene avait ete suspectee, aboutissant a la regression de la cholestase gravidique. Conclusion La survenue d’une cholestase gravidique chez une patiente traitee par azathioprine doit faire suspecter une cause iatrogene. L’arret de ce traitement pourrait permettre de controler cette atteinte hepatique et de diminuer ainsi le risque de complications obstetricales. En parallele, une exploration metabolique complete devrait permettre de confirmer le role suspecte du rapport [6-MMP/6-TGN] anormalement eleve.
    • Correction
    • Source
    • Cite
    • Save
    • Machine Reading By IdeaReader
    0
    References
    0
    Citations
    NaN
    KQI
    []