Les "cités" de Montrimond et ses "bandes de jeunes". Ethnographie des relations d'amitié, de complicité et d'inimitié dans la proche banlieue parisienne (1970-2015)

2017 
A Montrimond certains jeunes sont connus pour squatter les halls et les places publiques. Ce sont les « mecs de cite ». Dans cette banlieue parisienne, ces jeunes resident dans les deux « quartiers sensibles », le Belvedere et le Val. Fruit d’une enquete ethnographique conduite au sein de la famille Aith Ali pendant plus de six ans, cette these decrit l’experience de cette affiliation juvenile depuis la perspective des jeunes, a hauteur de ce qui suscite leurs passions et leurs haines. Qu’est-ce que signifie au quotidien d’« etre un mec de cite » ? Quelles pratiques soutiennent ce sentiment d’appartenance ? Quels liens font tenir cette collectivite juvenile de pied d’immeuble ? Une partie liminaire examine sur le plan historique l’emergence de ces « quartiers sensibles ». Elle montre les raisons pour lesquelles certains jeunes incarnent au tournant des annees 1960 et 1970 une angoisse sociale particuliere : la disparition du « vieux Montrimond ». Face a ces nouveaux venus percus comme des outsiders, les Montriots des « origines » se sentent menaces. En creux, les jeunes de cites deviennent alors responsables de ce monde qui s’en va. Face a cette legende des origines, les jeunes de cite se taillent un autre recit de fondation pour inscrire leur biographie dans cette histoire urbaine. Etre un « mec de cite » c’est s’identifier a un ordre temporel grâce auquel chacun trouve sa place, celle d’« ancien », de « grand » ou de « petit ». Cet ordre generationnel fournit un cadre narratif sur lequel s’appuyer pour donner du sens a sa vie. On peut alors dire qu’on est un « mec » d’ici, du « quartier » ou de la « cite ». Puis, l’enquete decrit les reseaux d’amitie au sein desquels prennent forme ces rassemblements de jeunes. Elle suit plusieurs fratries depuis leur prime enfance, leur passage des bacs a sable a l’ecole primaire et secondaire, et en parallele, les institutions municipales de delegation educative, comme les MJC, les clubs de sport et les centres de loisirs. Une societe juvenile, avec ses propres standards moraux, se developpe dans les reseaux de relations qui lient ces trajectoires de socialisation. Veritable pierre de touche sur laquelle s’echafaude tout un univers ethique, cet entre-soi juvenile s’organise autour de trois figures relationnelles : l’ami, le complice et l’ennemi. Une question se pose alors : qu’advient-il de la moralite ordinaire qui lie ces amis d’enfance quand ils deviennent complices dans la delinquance ou le crime (deal de stupefiants, vols, braquages, etc.) ? La hantise de la deloyaute, de l’arnaque et de la delation sape le ressort sur lequel reposait la certitude de la bonne foi d’autrui, sa sincerite. Ce contexte de vulnerabilite affective et ethique place les complices dans un cercle vicieux ou les intentions de leurs proches souffrent d’une double lecture. Face a l’indetermination du futur, l’angoisse de la trahison poussera les plus determines a anticiper les mauvais coups et a ceder a la violence. L’enquete sondera alors les ressorts psychosociologiques du passage a l’acte ainsi que les conditions d’exercice du jugement moral face a la violence.
    • Correction
    • Source
    • Cite
    • Save
    • Machine Reading By IdeaReader
    0
    References
    1
    Citations
    NaN
    KQI
    []