L’invention d’une nouvelle territorialité métropolitaine. Réflexion à partir de l’élaboration d’une « politique montagne » dans la métropole de Grenoble.

2017 
En France, la loi MAPTAM, en 2014, a mis en place un nouveau statut d’intercommunalite : la metropole. Celle-ci met en place des modes de gouvernance et des competences sur un perimetre elargi. Cette extension a pour consequence une heterogeneite accrue : s’il y a interdependance notamment dans la mobilite et l’economie, les modes d’occupation des sols, les types d’habitat, ou encore les pouvoirs des communes conduisent a des interets et des positionnements fort differents . La metropole necessite de gerer cette heterogeneite, et ce faisant d’inventer des territorialites politiques inedites. L’exemple de la politique montagne de Grenoble met en evidence une tentative d’instaurer un nouveau rapport entre communes, pour gerer un rapport urbain/montagne qui se pose dorenavant au sein du perimetre de la metropole. Au lieu de pouvoir considerer que son territoire se definit par son unite, la metropole doit donc faire avec une alterite interne : la zone de montagne. Du point de vue de la territorialite politique, il s’agit de passer d’une pensee republicaine de l’intercommunalite a une pensee de la mosaique (Beauchard, 2003). La logique de cooperation en est modifiee, ou du moins depassee. La metropole grenobloise compte depuis 2015 49 communes, dont 34 classees en zone de montagne, un statut indiquant des facteurs particuliers de relief et de pente. La dimension montagnarde marque un clivage urbain-periurbain tres net, l’agglomeration dense s’etant developpee sur le fonds de vallee, et le desserrement residentiel se realisant sur les versants. Elle s’inscrit egalement dans un rapport centre-peripherie exacerbe. La zone de montagne, a l’instar des espaces ruraux, a contribue au developpement urbain via ses ressources naturelles. L’industrie grenobloise moderne s’est edifiee sur la transformation de l’energie hydraulique. Celle-ci a favorise aussi bien des industries que l’ingenierie et la recherche. Cette hegemonie urbaine dans l’accaparement des ressources montagnardes a conduit a revendiquer un titre de capitale alpine revelateur des rapports de pouvoir entre espaces. Dans les annees soixante, le developpement du tourisme, notamment hivernal, a produit un developpement propre aux espaces montagnards tout en les maintenant dans la dependance d’une consommation urbaine. Son equipement sert l’industrie grenobloise et les activites recreatives beneficient a la clientele urbaine. A partir des annees 90, les montagnes conferent un agrement residentiel important a l’agglomeration notamment pour les emplois metropolitains, alors que les moteurs economiques se sont deterritorialises. Cette valeur transforme le role de la peripherie, mais n’en change pas la place : les referents ideologiques qui produisent la valeur environnementale restent le fait des espaces urbains, introduisant une domination culturelle (Perlik, 2011). Le caractere montagnard accroit l’opposition entre categories geographiques. Depuis le 18e siecle, la montagne s’est definie dans l’opposition a l’urbain. La fuite de l’urbain qui constitue l’un des moteurs de la periurbanisation s’alimente la de references ideologiques particulierement clivantes. Cette opposition entre categories spatiales se superpose aux perimetres institutionnels au travers des parcs naturels regionaux, englobant la montagne et s’arretant aux portes de l’agglomeration. La metropole aujourd’hui se trouve donc dans un contexte complexe : (i) de polarisation, avec une interdependance entre pole d’emploi et zone residentielle et recreative en montagne, (ii) d’intersection avec les espaces de projet sur la montagne (parcs naturels), (iii) de prise en compte d’enjeux environnementaux particuliers ressortissant de la ruralite (agriculture, foret, densite, transports en milieu de faible densite), (iv) de prise en compte des impacts environnementaux de la mobilite (pollution). La reflexion sur la politique montagne a ete lancee il y a un an. Nous appuyant sur une analyse des discours politiques et des entretiens d’habitants navetteurs, nous en montrerons les contradictions. A) L’equipe presidentielle ne souhaite pas mettre en place une politique categorielle, qui conduirait a eriger les communes de montagne en categorie politique ; la politique montagne veut concerner l’ensemble de la metropole et s’inscrire dans chacun de ses secteurs. Elle doit aussi se definir dans un cadre multipartenarial, au sein de la metropole et en relation avec les instances voisines et les institutions dont le perimetre est intersecant. Elle demande egalement de s’inscrire dans un cadre politique englobant telle que la strategie europeenne de l’espace alpin. B) Les habitants souhaitent tout a la fois la preservation de la qualite residentielle de l’espace montagnard et une accessibilite maximale aux services et emplois urbains. Leurs representations comme leurs pratiques montrent une differenciation territoriale a maintenir entre urbain et rural, au sein d’un espace metropolitain de circulation. Nous debattrons en conclusion ce cette forme d’interterritorialite (Vanier, 2008) qui doit composer avec ce jeu spatial complexe, entre categories internes bien differenciees, perimetres englobant d’echelle large, croisements de perimetres institutionnels et interdependances de flux. Il s’agit alors d’elaborer une politique veritablement relationnelle, dont les termes sont encore a trouver.
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