Théologiens et politique à l'époque scolastique (XIIIe-XIVe siècles)

L’article traite de la facon dont l’evolution de la fonction sociale et intellectuelle des theologiens, principalement parisiens, des XIIIe et XIVe siecles, a influe sur les conceptions et sur l’exercice meme du pouvoir politique. Postulant que les idees « fabriquent du reel » en interaction complexe avec les evenements et les mutations structurelles, il s’agit de manifester a la fois l’interet des theologiens pour la vie collective et la pertinence de la theologie dans le traitement des questions politiques. Parce que lorsqu’ils traitent du pouvoir, les theologiens traitent aussi de leur pouvoir d’en traiter, la revendication de l’autonomie du « champ scientifique » qui forme le socle culturel de leurs interrogations est examinee en premier lieu. Des textes sur l’election et sur la contractualite du pouvoir sont ensuite mobilises pour envisager leur reflexion sur les origines, les fondements et les formes du pouvoir, ainsi que sur la definition et le role de la communaute politique. Loin de se cantonner dans l’examen theorique de la nature et des causes du pouvoir, les theologiens en ont envisage l’exercice et les limites dans des questions concretes portant sur des sujets d’actualite comme la fiscalite, la repression de l’usure, la conversion et l’expulsion des juifs. Differents aspects de leur engagement au service des pouvoirs laics sont enfin abordes. Il en ressort que les consultations collectives de l’universite n’en ont pas fait l’instrument passif de la volonte royale et que, d’autre part, les tensions propres au champ universitaire ont persiste a la cour, notamment sous le regne de Charles V, ou la fonction de conseil est âprement disputee entre theologiens et juristes. Traverse par cette tension quasi structurelle, le domaine politique temoigne du concours et de la concurrence des savoirs scolastiques, dont les valeurs respectives varient en fonction du contexte institutionnel de leur exercice.