Analyse des modalités de qualification et de gestion de la ressource en eau
2015
L'intensification des tensions sur la ressource en eau s'est accompagnee dans les bassins versants meridionaux d'une baisse de la qualite des masses d'eau. Dans ce contexte, l'atteinte du bon etat ecologique, objectif fixe par la DCE et la LEMA, necessite souvent une redefinition des usages et, dans bien des cas, une diminution des prelevements. Le Debit Objectif d'Etiage (DOE) — definis comme le debit minimum qui doit etre atteint 8 annees sur 10 pour que l’ensemble des usages soit satisfait et permettre d’atteindre le bon etat des eaux superficielles — est un des indicateurs cles pour y parvenir. Un large panel d'interventions s’appuient dessus : activation des cellules secheresses, reforme des volumes prelevables, planification de construction d'ouvrages.
Pour autant, determiner la valeur d’un DOE n'est pas sans difficulte face a la variabilite et la complexite des cours d’eau. C'est pour faire face a ces difficultes qu'ont ete progressivement developpes des modeles numeriques — hydrologiques ou eco-hydrauliques — permettant d'objectiver l'etat des ressources en eau selon differents parametres et ainsi d'estimer une valeur de DOE. L’utilisation de ces modeles se fait cependant dans un contexte marque par (i) une forte incertitude scientifique ; (ii) des tensions vives entre usagers de l'eau entre eux et avec les differentes branches de l'administration en charge de la mise en œuvre des politiques de l'eau et (iii) le developpement des processus participatifs et deliberatifs qui permettent aux controverses de s'exprimer largement.
Le present rapport s'interroge ainsi sur l'usage de ces modeles dans le processus de fixation des DOE et vise plus precisement a repondre a deux questions : comment les jeux d'acteurs de la gestion de l'eau conditionnent-ils l'utilisation des modeles et, partant, la valeur des indicateurs in fine retenus ? Symetriquement, comment ces indicateurs, une fois leur valeur arretee, reconfigurent-ils ces jeux d'acteurs et de la les modalites concretes de gestion des ressources en eau ?
Nous repondons a ces questions en nous interessant de maniere comparative a trois rivieres situees dans deux bassins versants marques par un deficit chronique important : la Drome et l'Ouveze dans le bassin Rhone-Mediterranee-Corse (RMC) et l'Aveyron dans le bassin Adour Garonne (AG). Sur la base de ces trois etudes de cas, nous parvenons a trois principaux resultats empiriques. Nous montrons d'abord comment les methodologies propres aux differents modeles sont adaptees pour repondre aux attentes ou aux objections que les acteurs expriment dans les dispositifs participatifs, en particulier la profession agricole. Ce premier resultat illustre l'influence determinante du jeu d'acteur local sur l'utilisation des modeles. Nous montrons ensuite le role que jouent les bureaux d'etude dans ce processus d'adaptations en proposant des solutions techniques aux protagonistes des debats. Ce second resultat invite a discuter des consequences sur l'equite de traitement entre les territoires de la privatisation de l'action publique, a laquelle conduit progressivement l'externalisation aux bureaux d'etude de ces etudes. Enfin, nous mettons en evidence le fait que les valeurs finalement fixees pour ces indicateurs ne reconfigurent pas fondamentalement les rapports de pouvoir qui pre-existent. En permettant dans certains cas de (re) legitimer le deploiement de ressources de substitution pour la profession agricole, ces valeurs de DOE ont plus pour effet de conforter cette derniere dans sa position que de redefinir les modalites d'usage de l'eau.
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