Pratiques et représentations induites par la mise en banque de la part ontologique informationnelle du vivant

2016 
Nous nous proposons dans le cadre de l’appel a communication de traiter le cas des banques de donnees biologiques et en premier lieu les banques de sequences genomiques comme "cas limite" de biobanque. Une definition informationnelle du vivant, formulee de maniere simple par Bernd-Olaf Kuppers comme life=matter+information, implique que ce que stockent et distribuent les banques de donnees de sequences genomiques est une part ontologique du vivant. Il nous semble possible de montrer en quoi et comment les processus de socialisation et de reconfiguration du vivant evoques ou suspectes dans l’appel sont particulierement operants dans le contexte de la mise en place et de l’utilisation de ces bases de donnees. Bien que n’etant pas couvert de facon explicite par l’appel a communication, cet aspect nous parait pouvoir etre utile pour eclairer l’economie de l’usage des biobanques materielles. On s’attachera a decrire a partir de cas generaux et particuliers (comme utilisateurs frequents de ces ressources), les modifications des pratiques et des representations induites par l’existence de ces banques. La socialisation du vivant qui s’opere a travers ces ressources est accentuee par l’absence de restrictions dans leur acces. Toute l’information est accessible, a tous, en tout lieu (connecte), a tout moment, instantanement et gratuitement. Le champ semantique induit une confusion ici, puisque dans ces banques la restriction s’etablit au depot, mais pas au retrait de l’information. Pour l’utilisateur, le contenu de ces banques est neanmoins associe a une notion de valeur et cette valeur participe a la reconfiguration du vivant. Nous tenterons aussi a partir de notre propre experience, qui s’inscrit dans le temps qui a vu l’emergence et la croissance exponentielle de ces ressources, de decrire les modifications de pratiques et de representations. On dira que les techniques de synthese de genes permettent (pour des couts desormais derisoires) de "reconstruire" du materiel biologique a partir de ces ressources et ainsi de court-circuiter, pour certaines approches, le recours aux biobanques "materielles" ou le prelevement en milieu naturel. On produit de cette facon, une discontinuite dans la reproduction du vivant, dont il nous apparait qu’elle presente un fort contenu metaphorique. Ce bateau de Thesee qu’on introduit dans le laboratoire n’a plus de lien materiel avec la source d’origine, mais est uniquement determine par le texte (l’information genetique dematerialisee recuperee dans la banque). Consciemment ou non, nos representations du vivant sont sous-tendues par des hierarchies entre especes liees a leur impact economique et biomedical ou a leur contenu imaginaire et symbolique. Nous pensons que pour l’usager des banques de donnees quelque chose de la valeur des especes est determinee par la presence ou l’absence de leur genome dans les banques. Dans le meme ordre d’idee, cette presence/absence participe a la visibilite des especes ou des phyla. La presentation graphique et informatique unifiee des genomes dans les banques introduit une sorte de nivellement des hierarchies imaginaires entre especes. Cette reconfiguration n’est pas operante seulement au niveau imaginaire. En effet, les programmes metagenomiques rendent visibles des micro-organismes non-cultivables qui ainsi ne deviennent apprehendables qu’a travers la presence de leurs sequences dans les banques. L’avenement du sequencage genomique s’est accompagne du fantasme scientifique selon lequel l’etablissement de la sequence complete d’un organisme permettrait de le connaitre. La classique analogie livre/genome y est pour beaucoup. Ce fantasme survit contre l’evidence scientifique dans l’ere post-genomique, de sorte que le statut des organismes comme entierement sequence ou non, participe a determiner leur part de mystere et donc leur place dans notre imaginaire. Pour une generation de biologistes moleculaires, l’approche reductionniste a constitue un cadre fecond et rassurant. Meme avec un vivant cellularise et meme molecularise, dans le cadre de ce que les Anglo-saxons nomment wet-lab, le lien materiel, esthetique avec le vivant n’etait pas totalement rompu. A present, de tres nombreuses questions biologiques se posent et se resolvent dans un espace numerise immateriel. Les banques de donnees sont un outil en biologie dont la puissance laisse beaucoup d’utilisateurs hebetes et comme incredules et illegitimes devant la richesse de leur recolte. Il nous semble que la pratique de cette a-biologie induit une intranquillite et de nouvelles presentations et representations du vivant, pour le scientifique et par ricochet pour chacun d’entre nous.
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