Hémostase fortement perturbée chez une fille de 6ans avec hématome traumatique pathologique : quelle démarche diagnostique ?

2014 
Contexte Nous rapportons la demarche diagnostique d’un syndrome hemorragique chez une fille âgee de 6 ans. Observation Une fillette de 6 ans est hospitalisee pour volumineux hematome traumatique (torsion de l’avant bras par jeu). Elle n’a pas d’antecedent hemorragique, mais l’anamnese ne revele aucune situation a haut risque. Elle est la 3eme enfant d’une fratrie de 3 et n’a pas d’antecedent hemorragique familial. Il n’y a pas de notion de consanguinite. Les parents separes de l’enfant sont en conflit ouvert et le pere gardait sa fille les jours precedant l’hospitalisation. La mere a un comportement difficile vis-a-vis du personnel. Elle s’oppose a toute intervention de la psychologue aupres de son enfant agitee. L’examen clinique est normal en dehors de l’hematome. Il n’y a ni syndrome tumoral, ni symptomatologie infectieuse. Quels examens de depart ? Plaquettes a 386 G/L ; Hb a 112 g/L ; Leucocytes a 10,6 G/L sans cellule pathologique ; TP a 36 % ; TCA et TCK > 150s ; TT > 60s ; fibrinogene a 2,56 g/l ; taux de facteurs II, VII et X diminues respectivement a 48 %, 54 % et 21 % avec FV et bilan hepatique normaux ; taux de FVIII normal (126 %), taux de FIX, FXI et FXII diminues respectivement a 35 %, 55 % et 28 % ; monomeres de fibrine et D-Dimeres negatifs. L’hypothese de CIVD est eliminee Quelles hypotheses, donnees complementaires d’interrogatoire et explorations ? Il n’y pas de notion de prise medicamenteuse (ni AVK, ni nouvel anticoagulant oral, ni heparine) ; pas de prise de substance heparine-like, pas de morsure ou piqure d’insecte. L’activite anti-Xa (heparine) est fortement positive a 1,54 UI/ml, mais l’ajout de sulfate de protamine in vivo et in vitro est sans effet. La supplementation en vitamine K per os puis IV ne modifie pas les resultats obtenus. Les hypotheses d’intoxication, empoisonnement ou envenimation sont eliminees. Quelles autres hypotheses ? On suppose la presence d’un anticoagulant circulant (ACC) puissant. Cependant, la recherche d’ACC est negative en dRVVT. Le TT sur melange reste allonge. Le diagnostic ? La generation de thrombine est a peine detectable. L’hypothese d’un inhibiteur puissant dirige contre la thrombine est evoquee devant la perturbation majeure de tous les temps de la coagulation qui detectent la formation de thrombine (TP, TCA, TT). Les 2 grandes hypotheses sont alors une cause constitutionnelle avec l’existence d’un variant antithrombine (variant Pittsburgh de l’alpha 1 antitrypsine) ou une cause acquise avec presence d’un anticorps puissant. Dans le serum, l’electrophorese des proteines revele un pic supplementaire en zone des α2-globulines, et l’immunofixation avec anticorps anti-α1-AT montre la presence de deux bandes distinctes. Le sequencage direct du gene de l’ α1-AT retrouve la mutation Met 382 > Arg, en position c.1145T > G du gene, a l’etat heterozygote (ancienne nomenclature : Met358 > Arg). Ainsi le diagnostic d’une maladie hemorragique constitutionnelle rare est retenu. Conclusion Le variant Pittsburgh de l’α1-antitrypsine (α1-AT) ou « antithrombine Pittsburgh » resulte d’une substitution Met 358 > Arg sur le site reactif de l’α1-AT, lui conferant une activite antithrombine drastique. Ce variant rare, rapporte dans la litterature chez 4 patients, s’accompagne d’un syndrome hemorragique d’intensite variable.
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