Agriculture. Réduire les pesticides ne nuit pas à la rentabilité

2017 
Pied de nez au lobby phytosanitaire, une etude de l’Inra montre que la baisse de l’usage des intrants chimiques n’attenue pas la productivite des exploitations. Reduire l’usage des pesticides sans affaiblir la productivite agricole, c’est possible, assurent des chercheurs de l’Inra (Institut national de recherche agronomique). Dans une etude parue en debut de semaine dans la revue Nature Plants, ces derniers estiment qu’une reduction des intrants agricoles chimiques d’au moins 30 % n’aurait pas d’effets negatifs. On ne pouvait rever meilleur calendrier, alors que se tient actuellement le Salon de l’agriculture, veritable vitrine de l’agriculture intensive. « L’objectif, c’etait d’etudier la correlation entre l’utilisation des pesticides et la productivite et la rentabilite des exploitations », indique Nicolas Munier-Jolain, ingenieur de recherche a l’Inra de Dijon, coauteur de l’etude avec notamment Martin Lechenet, qui en a fait son sujet de these. Concretement, l’etude repose sur une base de donnees rassemblant les informations de 946 fermes de grandes cultures conventionnelles montrant des niveaux contrastes d’usages de pesticides et couvrant une diversite de pratiques agricoles. Toutes appartenant au reseau Dephy, cree dans le cadre du plan gouvernemental Ecophyto, destine a reduire les pesticides. Les experts ont compare la relation entre la frequence des traitements et les rendements et de la deduit la rentabilite economique de chaque exploitation. « C’est une question tres importante dans le debat public. D’un cote, il y a ceux qui estiment que l’agriculture conventionnelle est trop consommatrice de pesticides et assurent qu’on peut en reduire l’usage sans impacts negatifs ; et, de l’autre, ceux qui pensent qu’une baisse de l’usage des traitements phytosanitaires conduirait ineluctablement a la baisse des rendements. On a voulu approfondir le sujet », poursuit le chercheur. « L’usage des pesticides pourrait etre reduit de 42 % » Au final, les resultats de cette enquete sont significatifs. « L’usage des pesticides pourrait etre reduit de 42 % sans aucun impact negatif dans 59 % des cas », note l’etude. Ce qui correspond a « une reduction moyenne de 37 % des herbicides, de 47 % des fongicides et de 60 % des insecticides ». « La conclusion est sans appel, s’enthousiasme Nicolas Munier-Jolain : on peut baisser l’usage des pesticides sans affecter la productivite a l’echelle de la ferme. Et ce presque partout en France, sachant qu’il faut tenir compte des caracteristiques locales (region, type de production, type de sol, conditions climatiques, etc.). Dans 94 % des cas, il est possible de diminuer la frequence des traitements phytosanitaires en maintenant une productivite equivalente ou meilleure. Et en maintenant une rentabilite equivalente, ou meilleure, dans 78 % des situations. » Et il ne s’agit pas de baisse a la marge, loin de la. « Ces donnees suggerent qu’une reduction des intrants agricoles chimiques de 30 % est possible sans degradation. Et on doit meme pouvoir aller plus loin », assure le chercheur, qui parle d’une etude « sans equivalent dans le monde ». « C’est l’ensemble des pratiques agricoles qu’il faut modifier » Mais attention, ces resultats sont possibles « sous conditions », pondere l’Inra. Cette transition n’est en effet realisable que si elle s’accompagne d’une adaptation des pratiques agricoles. « Il faut bien avoir conscience que dans nos scenarios de transition, reduire l’usage des pesticides passe necessairement par des changements de pratiques : diversification et rotation des cultures, introduction de varietes plus resistantes, autres modalites de fertilisation, utilisation de desherbage mecanique, etc. C’est l’ensemble des pratiques qu’il faut modifier. La mise en œuvre de ces adaptations n’est pas aisee et requiert un accompagnement des agriculteurs. Cela passe aussi par un accompagnement des filieres. Une rotation diversifiee permet de reduire l’usage des pesticides, mais cela implique aussi de pouvoir ecouler les nouvelles cultures. Et, localement, il n’y a pas forcement de debouches commerciaux, de marches… », explique Nicolas Munier-Jolain, qui parle de « leviers alternatifs ». Reste a convaincre les principaux interesses, alors que les derniers chiffres officiels du ministere de l’Environnement montrent une augmentation de l’utilisation des produits phytosanitaires, malgre une tres legere baisse en 2015 !
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