Dossier " Phénotypage des animaux d'élevage "

2014 
Foreword La demande mondiale en produits d’origine animale est en forte expansion1 et l’elevage est l’une des activites agricoles les plus fortement creatrices d’emploi et de valeur ajoutee, tant au niveau de la production et des services qu’elle utilise, que des filieres de produits animaux. Mais dans le meme temps, l’elevage doit faire face a des enjeux societaux qui necessitent des evolutions importantes dans les modes de production : besoin de competitivite encore accru, methodes d’elevage contestees vis-a-vis des atteintes a l’environnement, du respect du bien-etre animal et de l’usage des medicaments. Il s’agit de reflechir ces defis au niveau europeen et mondial. Produire plus, mieux et a moindre cout doit contribuer a assurer la securite alimentaire mondiale et a repondre aux attentes europeennes en termes de systemes de production et de marches tres diversifies. L’Europe a ici une responsabilite toute particuliere car si elle ne peut pas nourrir le monde, il est de sa responsabilite, en tant que region ou la demande sociale est aujourd’hui la plus elevee, de montrer comment concilier production et environnement. Outre les innovations et les adaptations des systemes d’elevage (cf. Numero special de la revue « Quelles innovations pour quels systemes d’elevage ? », Ingrand S., Baumont R. (Eds). INRA Prod. Anim., 27, 2), les reponses passent aussi par la recherche d’animaux qui soient d’une part, plus efficients pour transformer leur ration et plus faciles a elever dans une large gamme de conditions climatiques et de systemes d’elevage et, d’autre part, adaptables face a des aleas climatiques, sanitaires ou economiques tout en preservant la sante, le bien-etre et la qualite des produits. Par le passe, la recherche de la maximisation des performances de production (ex : vitesse de croissance, quantite de lait par lactation…) a conduit a des animaux de plus en plus specialises. Dans la plupart des filieres, cette maximisation s’est accompagnee d’une degradation des autres aptitudes d’elevage, aujourd’hui source d’inefficience en elevage. La recherche d’une plus grande robustesse (definie comme la capacite pour un animal d’exprimer son potentiel de production dans une large gamme d’environnements sans pour autant compromettre sa sante et son bien-etre) devient une priorite. Dans le meme temps,l’acces a des techniques d’exploration fonctionnelle toujours plus performantes, les innovations en cours d’appropriation ou a venir dans le domaine de la genomique ouvrent des perspectives d’investigation nouvelles plus precises. Dans ce contexte d’evolution des demandes et des possibilites d’investigation, les projets de recherche en sciences animales doivent etre plus systemiques, predictifs et permettre d’etablir des relations fonctionnelles de plus en plus fines entre le phenotype des animaux, leur genotype et le milieu dans lequel il s'exprime. Face au developpement spectaculaire des connaissances sur le genome, il y a un manque criant de connaissances sur l’expression des phenotypes, connaissances qui devraient permettre de repondre au mieux a une double finalite en termes d’exploitation de la variabilite des aptitudes animales : i) une selection eclairee vers des objectifs majeurs pour ameliorer l’efficience de la production et la robustesse des genotypes, et ii) un elevage de precision qui valorise la variabilite individuelle des animaux pour gagner en efficience et en resilience a l’echelle du troupeau, ou pour ameliorer la conduite des animaux d’un genotype donne. En effet, d’un cote les progres realises par la selection genomique permettent aujourd’hui de repenser les criteres de selection et de les diversifier tout en raccourcissant les delais entre la definition des objectifs et l’amelioration effective des cheptels, mais cette selection entraine de nouveaux besoins de phenotypage car elle necessite la caracterisation d’unepopulation de reference. D’un autre cote, la connaissance plus fine de l’animal associee aux technologies en emergence de l’elevage de precision permettra de mieux piloter la conduite d’elevage pour ameliorer l’efficience de l’alimentation ou de la reproduction par une approche individuelle a l’animal, ainsi que par la production d’alertes a destination de l’eleveur pour un diagnostic precoce des troubles permettant d’anticiper les ajustements requis. Le phenotypage est ainsi l’un des principaux defis que doit relever les recherches en production animale et a ete reconnu comme tel par l’INRA. Deux types de phenotypage peuvent etre envisages : le phenotypage des caracteres d’interet socio-economique et le phenotypage de caracteres plus elementaires. Les phenotypes d’interet socio-economique constituent la finalite recherchee. Ils resultent de mecanismes faisant appel a des regulations complexes, ils sont d’autant plus onereux a mesurer qu’il s’agit de criteres zootechniques qui doivent etre observes sur des pas de temps longs. La recherche de phenotypes plus elementaires et plus proches du mecanisme causal rend plus facile l’identification des genes responsables. Ce phenotypage fin implique de realiser des mesures particulierement approfondies et a des echelles elementaires (au niveau moleculaire, cellulaire, tissulaire…) des caracteristiques biologiques de l’animal qui expliquent un phenotype complexe observe a l’echelle de l’animal. Le phenotypage a haut debit signifie qu’une methode de mesure des phenotypes fiable, automatisable et rapide est etablie de sorte que le processus de mesure permette de generer un grand nombre de donnees dans un laps de temps court. Le haut debit peut s’appliquer au phenotypage fin tout comme a celui des caracteres d’interet zootechnique. Les contributions significatives qui pourront etre attendues d’un phenotypage animal fin et a haut debit concernent la biologie predictive, a savoir la prediction des performances a partir de caracteres simples observables precocement, necessaire notamment a la gestion des produits, a la conduite de l’elevage et a la selection animale. Ce dossier propose le fruit d’une reflexion globale des chercheurs de l’INRA sur les perspectives qu’offre le phenotypage des animaux pour repondre aux enjeux des productions animales. Cette reflexion a eu pour objectif de definir les grands enjeux de connaissance autour du phenotypage animal et de faire emerger les questions de recherches prioritaires, transversales ou specifiques aux differentes filieres animales ainsi que les verrous techniques qui sont souleves. Cette reflexion a ete conduite par un groupe de douze chercheurs2 des departements de « Genetique Animale », « Physiologie Animale et Systemes d’Elevage » et « Sante Animale » travaillant dans des disciplines et sur des especes variees, missionne par la Direction Scientifique Agriculture de l’INRA. La reflexion de ce groupe s’est appuyee sur celle d’un collectif plus large de chercheurs INRA travaillant sur les animaux d’elevage par le biais d’un seminaire organise en mai 2013 ainsi que par la redaction partagee des articles de ce dossier. L’amelioration de la robustesse des animaux d’elevage etant un objectif central, le premier article de ce dossier developpe une approche systemique de la robustesse des animaux d’elevage pour repondre au mieux a une double finalite en termes d’exploitation de la variabilite des aptitudes animales pour la selection et pour la conduite de l’elevage. Les recherches sur le phenotypage doivent etre accompagnees d’une ontologie generique c’est-a-dire d’une representation et d’un langage communs pour partager les donnees et les connaissances, ainsi que l’explicite le second article de ce numero. L’objet des trois syntheses suivantes est de mettre en perspective les fronts de science (phenotypage du microbiote intestinal), les enjeux de connaissance et les verrous techniques encore a lever pour permettre des productions animales de qualite (phenotypage de la qualite des produits) et en quantite (phenotypage de l’efficacite alimentaire), a moindres couts economique et environnemental.  1 Selon la FAO et l’OCDE, la progression de la consommation de proteines d’origine animale sur la planete devrait se poursuivre au rythme de + 2 a + 3%/an au cours de cette decennie. Sur la periode 2000-2050, la consommation totale des viandes devrait progresser de l’ordre de + 70% pour une population en augmentation de + 20%. Selon les memes sources et pour la meme periode la consommation de lait et produits laitiers dans les pays emergents devrait passer de 45 a 78 kg par habitant.
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