Peut-on arrêter l’anticoagulation au cours du traitement de la thrombose veineuse cérébrale associée à la maladie de Behçet ? Série de six patients

2016 
Introduction La maladie de Behcet est une vascularite systemique rare pouvant atteindre les vaisseaux arteriels ou veineux de calibre different. L’atteinte neurologique est retrouvee dans 10 % des cas et la thrombose veineuse cerebrale est la plus frequente des formes extra-parenchymateuses. L’utilisation et la duree du traitement anticoagulant dans la thrombose veineuse cerebrale ne sont pas consensuelles. Il en est de meme du devenir du traitement anticoagulant quand il est instaure. Nous rapportons 6 cas de thrombose veineuse cerebrale associees a une maladie de Behcet pour lesquelles le traitement anticoagulant a ete arrete sans recidive de thrombose veineuse. Patients et methodes Vingt cas de maladie de Behcet associees a une maladie de Behcet ont ete recenses entre 2000 et 2014 de facon retrospective dans un centre hospitalo-universitaire. Le traitement anticoagulant a ete interrompu pour 6 d’entre eux (30 %), par choix du clinicien. Pour ces patients, nous avons analyse les donnees cliniques, biologiques et morphologiques ayant permis le diagnostic de thrombose veineuse cerebrale, les circonstances de l’arret du traitement anticoagulant et leur devenir. Resultats Le diagnostic de thrombose veineuse cerebrale precedait celui de maladie de Behcet chez les 6 patients (sex ratio H/F : 5/1), avec un âge moyen au moment du diagnostic de thrombose veineuse cerebrale de 25,8 ans [15–33]. Un facteur favorisant de thrombose veineuse etait retrouve chez 5 patients : tabagisme ( n  = 2), œstroprogestatif ( n  = 3) et contexte postoperatoire ( n  = 1). Le delai moyen entre le debut des symptomes et le diagnostic de thrombose veineuse cerebrale etait de 16,6 jours [3–34]. Les signes cliniques et biologiques revelateurs comprenaient : des cephalees isolees ( n  = 6), de la fievre, un syndrome inflammatoire ( n  = 5) avec une concentration de proteine c-reactive en moyenne de 56 mg/L [22–219] et une elevation des D-dimeres avec un taux moyen de 931 ng/mL [50–2480]. Le diagnostic de thrombose veineuse cerebrale etait pose sur une IRMc, avec thrombose de plus d’un sinus dans 5 cas. Les thromboses veineuses cerebrales etaient localisees le plus souvent dans le sinus sagittal superieur (6 cas) et les sinus lateraux (6 cas). Aucune thrombose du systeme veineux profond, des veines corticales, ou de localisation extra-neurologique ni infarctus veineux n’etaient constates. Un comblement des cellules mastoidiennes sur l’IRM cerebrale etait signale chez 3 patients. Tous les patients ont recu un traitement par heparine, puis par anti-vitamine K. Aucun patient ne recevait de colchicine, ni corticoides, ni d’immunosuppresseurs au diagnostic de la thrombose veineuse cerebrale. Le diagnostic de maladie de Behcet a ete evoque chez 4 patients du fait d’une evolution atypique : HTIC persistante malgre une anticoagulation efficace et necessitant des ponctions lombaires evacuatrices ( n  = 2) ou une extension de la thrombose veineuse cerebrale sous anticoagulant ( n  = 3). Il a ete pose au cours du suivi, en moyenne 145 jours [40–400] apres le diagnostic de thrombose veineuse cerebrale. L’ensemble des patients presentait une atteinte cutaneo-muqueuse (100 % d’aphtose buccale, 30 % d’aphtose genitale). Aucune atteinte ophtalmologique, vasculaire ou neurologique parenchymateuse n’etait notee. Une seule patiente avait un antecedent d’embolie pulmonaire en post partum 3 ans auparavant. Le typage HLA B51 etait retrouve chez 3 patients. Une fois le diagnostic de maladie de Behcet pose, les patients recevaient de la colchicine ( n  = 6), des corticosteroides ( n  = 5) et de l’azathioprine ( n  = 5). Un seul patient avait rechute au cours du suivi, sous la forme d’une meningite lymphocytaire sans recidive de thrombose veineuse cerebrale. Le traitement anticoagulant avait ete poursuivi pour une duree moyenne de 28 mois [18–37], puis relaye par un traitement par antiagregant chez 5 patients. La dose moyenne de corticoide etait de 10 mg, d’azathioprine de 100 mg et de colchicine de 1 mg. Une repermeabilisation complete des sinus thromboses etait observee chez 4 patients (des la premiere annee pour 3 d’entre eux). Avec un suivi moyen de 90 mois [41–185], aucune recidive de thrombose veineuse cerebrale, de thrombose veineuse ou arterielle d’autre localisation n’etait rapportee. Conclusions Nous rapportons une serie de 6 patients avec thrombose veineuse cerebrale dans le contexte d’une maladie de Behcet, pour lesquels le traitement par anti-vitamine K a ete interrompu et relaye par un traitement antiagregant sans recidive thrombotique. Associees a l’absence de demonstration consensuelle de l’anticoagulation dans les thromboses veineuses associees a la maladie de Behcet, ces donnees suggerent que l’arret de l’anticoagulation dans la thrombose veineuse cerebrale sous reserve d’une maladie de Behcet bien controlee par corticoides et immunosuppresseurs, est envisageable, avec ou sans repermeabilisation des sinus thromboses, sans risque de recidive de thrombose.
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